Cette histoire prend vie et s’épanouit autour d’un tableau, le Chardonneret, du peintre Fabritius, mort dans l’incendie de Delft en 1536, qui ravagea aussi son atelier, à l’exception de ce tableau.

Dans les mots de l’écrivain, la toile ressemble à ceci.

Il était petit, c’était le plus petit de l’exposition, et le plus simple : un oiseau jaune sur un fond simple et pâle, enchaîné à un perchoir par sa cheville fine comme une brindille. »

En vrai, elle est comme cela.

Chardonneret

Theo, 13 ans, visite une exposition au Metropolitan Museum of Art de New York avec sa mère. Ils sont victimes d’un attentat.

Il y eut un éclair noir et des débris furent balayés vers moi puis tournoyèrent ; après quoi le grondement d’un vent chaud me heurta de plein fouet et me projeta de l’autre côté de la salle. Pendant quelque temps, je ne sus rien de plus. »

Theo erre, hagard dans une salle du musée et tombe sur un homme, allongé au sol, qui lui fait de curieuses recommandations.

J’ai passé ma manche sur la surface poussiéreuse. Un minuscule oiseau jaune , pâle sous un voile de poussière. « Prends-le avec toi. » M’enjoignant de l’emporter : « Vas-y ! » Il essayait de s’asseoir. Ses yeux étaient brillants et furieux. »

Sans trop réfléchir, Theo emporte le tableau, et parvient, par un coup du hasard, à s’extraire du bâtiment, muni de son inestimable colis.

Il comprend assez vite à quel point celui-ci est encombrant.

Mais quelque chose en lui l’empêche de s’en délester, en le rendant à la police.

A un moment donné, il me faudrait le rendre au musée, mais je n’avais pas encore tout à fait mis au point le moyen d’y parvenir sans causer un énorme tapage. »

Sa vie est bouleversée. D’abord parce que sa mère a succombé à l’explosion du musée. Et ensuite parce que, désormais, son existence sera lourdement lestée de son secret du siècle d’or néerlandais.

Ces événements vont balloter Theo dans la vie. Recueilli par une famille riche et aimante, il doit rapidement déménager à Los Angeles, chez son père alcoolique et sa belle-mère toxicomane. Son voyage le portera aussi dans l’Utah, à New York, puis à Anvers et Amsterdam. Malgré sa peine, malgré la peur de perdre son tableau, et celle de le posséder, il va vivre une période d’initiation qui feront de lui un homme.

L’auteur nous offre une galerie de personnages magnifiques. Comme Hobie, cet antiquaire aimant et confiant jusqu’à la stupidité, qui pardonnera à Theo chacun de ses quatre-cents coups.

Il était distrait et gentil ; négligent, brouillon, humble et doux ; souvent quand il était en bas, il n’entendait pas la première fois où on l’appelait, ni même la deuxième. »

Puis il y a Boris, le frère, l’ami russe sans frontières, sans limite, rencontré par hasard, qui lui fera découvrir le paradis (artificiel)

Tout était hilarant, même le toboggan du terrain de jeux nous souriait. Des torrents d’étincelles s’envolaient de nos bouches, j’ai eu la révélation que le rire était de la lumière, que la lumière était du rire et que c’était le secret de l’univers. »

Le Chardonneret, c’est une petite prouesse : l’art se trouve en toile de fond, mais à travers le parcours chaotique d’un tableau qui échappe à ses poursuivants, c’est le conte initiatique de Theo, jeune homme en radeau sur la mer, qui nous est livré. Avec tout juste ce qu’il faut de violence et de crudité pour ne pas en faire un roman mièvre. Avec de pénibles longueurs hélas, aussi, dans le dernier tiers du roman. Et des lourdeurs de traduction.

Mais on les oublie vite, ces pesanteurs, pour aimer Theo, son tableau, et le petit monde qui l’entoure, et qui ne lui a voulu que du bien en lui faisant parfois très mal. Mais je laisserai à l’auteur nous livrer le message.

Et si notre méchanceté et nos erreurs étaient une matière unique, qui détermine notre destinée et nous amène vers le bien ? »

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Le Chardonneret, Donna Tartt, littérature américaine, Pocket, 1102 pages. Notre note : 5/5.