Et Delphine de Vigan se met à la tâche, interroge, rassemble, compulse, trie documents écrits, photos : elle veut comprendre comment cette femme si belle, intelligente mais maniaco-dépressive a pu mourir seule sans avoir eu besoin d’elle ni de sa sœur. Cette quête longue et difficile va replonger Delphine de Vigan au cœur de sa propre famille maternelle : des souvenirs remontent à sa mémoire, et la replongent dans cette famille nombreuse, bourgeoise pas plus malheureuse que d’autres à cette époque mais solidaire face aux tragédies qui l’ébranlent.

Comme un puzzle, le cours de la vie de chacun se met en place et au fur et à mesure l’auteure sent qu’elle va débusquer des secrets qui enfin pourraient lui apporter les clés pour comprendre cette incapacité qu’avait sa mère d’aimer et d’être aimée. Mais fouiller ainsi dans des vies qui ne lui appartiennent pas éveille des scrupules chez la jeune femme qui cependant ne faiblira pas.

Ai-je le droit d’écrire que ma mère et ses frères et sœurs ont tous été, à un moment ou un autre de leur vie(ou toute leur vie) blessés, abîmés, en déséquilibre… Ai-je le droit d’écrire que Georges a été un père nocif, destructeur et humiliant… Ai-je le droit d’écrire que Liane n’a jamais pu ou su faire contrepoids, qu’elle lui a été dévouée comme elle l’était à Dieu, jusqu’au sacrifice des siens… »

De plus la maladie de sa mère, qui se déroule par épisodes, aura un impact très dur sur la vie de Delphine de Vigan et de sa jeune sœur qui devront assumer une vie nomade de foyer en foyer, et des scènes douloureuses chaque fois que leur mère sera anéantie par ses nombreuses crises. Ce long parcours tragique pour les 3 femmes constitue un second récit dans le roman.

C’est un livre attachant, qui interpelle : nombre de lecteurs auront vécu à un moment ou à un autre un événement de ce livre, auront éprouvé les mêmes sentiments face à l’incompréhensible, la même impuissance devant une maladie totalement irrationnelle, certains enfin auront été confrontés à la découverte de secrets que leur famille avait tout fait pour étouffer : peut-être est-ce pour cela que tant de personnes ont aimé ce roman et l’ont plébiscité.

Du même auteur : No et moi

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Rien ne s'oppose à la nuit, Delphine de Vigan, J-C Lattès, 437 pages, 19 euros. Vous pouvez le commander sur Amazon.