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Ainsi démarre l’histoire rocambolesque de Sophie Straw, une force de la nature, dont la beauté n’a d’égale que le culot. Au coeur des Golden Sixties, son destin était de devenir miss Blackpool, du nom de cette petite ville grisâtre du nord de Angleterre. Nombre de ses contemporaines en rêvent. Elle n’en a que faire. Et refuse le trophée quelques secondes avant qu’il lui soit décerné…

Barbara savait qu’elle ne voulait pas être reine d’un jour, ni même d’un an. Elle ne voulait pas être reine du tout. Elle voulait juste passer à la télévision, et faire rire les gens. »

… et file à Londres. Au fil de péripéties que vous découvrirez, elle réussit une audition, et devient la vedette d’une comedy playhouse, une série télévisée d’une demi-heure diffusée aux heures de grande écoute sur la BBC. Le thème : les amours d’une Cosette du Nord et d’un gentleman du Sud.

Commence alors une aventure extraordinaire au sein de ce petit monde.

Il y a Tony et Bill, les scénaristes.

Tony et Bill s’étaient rencontrés dans la cellule d’un commissariat d’Alderschot. »

Il y a Dennis, producteur et metteur en scène, pas spécialement heureux en amour.

Dennis habitait à Hammersmith, avec sa femme Edith, et un chat. Ce soir-là, ni Edith ni le chat ne montrèrent le moindre intérêt à son retour – le chat parce qu’il dormait ; Edith parce qu’elle était au beau milieu d’une liaison avec un homme marié. »

Et puis Clive, le tombeur, qui donne la réplique à Sophie.

Sophie commençait à comprendre qu'au nombre des lois immuables il fallait ajouter celle-ci : acteurs et actrices finissent toujours par coucher ensemble. »

Et Brian, l’agent de Sophie.

Oh, je ne cherche pas à vous emballer, de défendit Brian. Je ne cours pas après la bagatelle. Il est question de quelque chose d’encore plus sale. Je veux que vous me rapportiez de l’argent. »

Sans parler des agents, amants et maîtresses qui gravitent autour de cet improbable noyau, qui, de ruptures en rabibochages évolue cahin-caha dans une Angleterre aux aurores de la libération des mœurs.

Et pourtant, ça marche ! La série s’installe dans le paysage audiovisuel et marque son époque.

Pour les téléspectateurs, il y avait eu une vie avant le premier épisode et une vie après. »

Funny Girl est un divertissement dans sa forme la plus noble : Nick Hornby écrit juste et bien, mais ce style rigoureux ne nuit en rien aux effets comiques. Le livre n’est pas sans défaut : les dialogues sont parfois un peu longs, et pas toujours utiles, mais on s’attache à ce petit monde, qui évoque l’air de rien une époque d’éveil, où la femme commence enfin à avoir son mot à dire, a le droit d’être drôle sans être ridicule et même celui d'être ridicule sans être drôle.

Nick Hornby se pique même de livrer quelques considérations sur la célébrité.

Etre au sommet, c'est comme être tout en haut d'une grande roue : à un moment donné, il fallait amorcer la descente, qu'on le veuille ou non. »

Ou, mieux encore, sur la place du divertissement dans notre société.

Le divertissement avait pris le contrôle du monde et Sophie que le monde fût devenu meilleur pour autant. Parfois, tous laissait à penser que tous les habitants de ce pays, sans exception, voulaient écrire pour la télévision, pousser la chansonnette, apparaître dans des films. Plus personne ne voulait prendre un rouleau de peinture, concevoir des moteurs, ni même trouver un remède au cancer. »

Il démontre en tout cas brillamment que le divertissement garde toute sa place en littérature.

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Funny Girl, Nick Hornby, littérature anglaise, traduit de l'anglais par Christine Barbaste, Stock, 432 pages, 23 euros. ISBN : 2234079225. Notre note : 3/5.