La belle histoire c’est celle d’Oona O’Neil, seize ans, et de son éphémère amour avec l’écrivain Jerry D. Salinger, de 6 ans son aîné.

Elle, pimbêche insouciante et bien née, fille du poète anglais Eugène O’Neil.

Lui, tourmenté et d’extraction plus modeste, fils d’un importateur de fromages juif.

Je ne vais pas me priver du plaisir exceptionnel de vous montrer leur photo, puisque ces personnages sont, pour une fois, réels.

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Jerry ne ménage pas sa peine.

Une fille, ça s’ouvre et se referme : le problème est de trouver le bon mot de passe. Plus elles sont belles, célèbres et gâtées, plus le code d’entrée est difficile à déchiffrer. »

Et pourtant, Jerry entame une relation avec cette demoiselle d’apparence superficielle. D’apparence seulement, ce que Jerry ne va pas comprendre. Erreur fatale.

Il se trompe sur Oona : elle fréquente de pauvres petites filles riches mais ne l’est pas. La seule chose qu’il fallait faire avec Oona, c’était la consoler, s’occuper d’elle, l’abriter, au lieu de lui faire la morale sur ses sorties superficielles. »

Et ce qui devait arriver arriva. Jerry part à la guerre. Oona s’envole pour Los Angeles. Où elle s’éprend de Charlie Chaplin, de 36 ans son aîné, scandalisant l’Amérique.

En se croisant, les regards d’Oona et de Charlie se sont emplis d’eau simultanément. Il serait donc impropre de parler de coup de foudre : plutôt d’une inondation. »

Une histoire d’amour banale, somme toute, mais que Beigbeder raconte à merveille. On vit les bars huppés de New York, mais aussi les horreurs de la guerre et celles de la déconvenue sentimentale.

On vit aussi ce moment d’une grande émotion, où Chaplin, banni des Etats-Unis depuis des décennies pour avoir été considéré comme un communiste, vient recevoir son Oscar.



Et bien sûr, bien sûr, Beigbeder en profite pour s’épancher sur lui-même, sur tout, sur rien dans des jugements définitifs.

Sur l’amour.

C’est entre seize et vingt-deux ans qu’on aime vraiment. L’amour est absolu, sans le moindre doute, la moindre hésitation. »

Sur les écrivains.

Un écrivain, ça ne vit pas dans le monde, ça s’enferme dans une petite maison pour travailler, sinon ce n’est pas un écrivain, c’est un pitre. »

Et sur la différence d’âge en amour, qu’il élève en culte.

L’homme mur choisit une femme jeune parce qu’elle lui garantit, jusqu’au trépas, d’avoir le souffle coupé à chaque fois qu’il la verra sortir de la salle de bain. Et la jeune femme est heureuse d’être autant admirée, surtout quand elle a eu des problèmes paternels. »

Son narcissisme en irritera plus d’un. J’ai aimé l’histoire, qu’il raconte avec passion et espièglerie.

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Oona et Salinger, Frédéric Beigbeder, littérature française, Grasset, 327 pages. Disponible en poche. ISBN : 2246777011. Notre note : 3/5.