Tsukuru vit une existence paisible dans un lycée de Nagoya. Il partage des moments intenses avec ses amis. Le prénom de chacun d’eux évoque une couleur, sauf celui du Tsukuru.

Les deux garçons s’appelaient Akamatsu – Pin Rouge – Ômi – Mer bleue -, et les deux filles respectivement Shirane – Racine blanche – et Kurono – Champ noir. »

Mais un jour, alors que l’entente était aussi cordiale et chaleureuse que toujours…

Il reçut un appel de Bleu. « Désolé, mais nous ne voulons plus que tu nous téléphones désormais », déclara Bleu. Aucune formule de politesse en préalable. Ni : « Allô, c’est toi ? » ni : « Tu vas bien ? » ni encore « Ça fait longtemps ! » « Désolé fut sa seule marque de civilité. »

Ses amis refusent de lui expliquer la raison de ce rejet.

Pourtant, si c’est possible, j’aimerais connaître la raison de cette décision, reprit Tsukuru.
- Ce n’est pas de ma bouche que tu l’entendras, répondit Bleu. Si tu y réfléchissais par toi-même, tu devrais sûrement pouvoir le comprendre, non ? »

Tsukuru entame alors une plongée de six mois dans le désespoir.

Pendant tout ce temps, il estima que le plus naturel et le plus logique était qu’il mette un terme à son existence. »

Mais il ne s’y résout pas, sans qu’il sache très bien pourquoi. Il vivote, renoue une amitié qui disparaîtra elle aussi sans laisser de trace, puis rencontre Sara. Seize ans se sont écoulés depuis la rupture avec ses amis, et Sara constate que quelque chose empêche Tsukuru de se livrer pleinement.

Je crois, vois-tu, qu’il serait bon que tu te mettes à éclaircir par toi-même les raisons pour lesquelles tu as été brutalement rejeté par tes quatre amis. »

Tsukuru prend alors son bâton de pèlerin et part à la recherche de ses amis, de son passé. Il n’est pas au bout de ses surprises.

J’espère que je n’ai pas ouvert une boîte que je n’aurais pas dû ouvrir. »

Dans l’incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, on retrouve la plume douce, simple et presque naïve de Haruki Murakami. L’histoire est contée paisiblement, mais sans effet de style. Bien que tintée des exotismes de la vie quotidienne au Japon, elle porte en elle, une fois de plus, un caractère universel.

Je suis parfois quelque peu déçu que l’auteur dépasse à peine son histoire et plonge assez peu en profondeur, alors que la richesse de l’intrigue le lui permettrait cent fois.

Mais le roman n’en contient pas mois quelques pistes. Comme quand il évoque la rupture.

C’est étonnant, non ? Il semblerait que même dans la vie d’un homme en apparence des plus paisible ou rangé, il y a toujours, à un moment ou un autre, une période de grande rupture. Une période de folie, même, pourrait-on dire. Chez les hommes, ce genre de tournant est sûrement nécessaire. »

Ou la souffrance.

Ce n’est pas seulement l’harmonie qui relie le cœur des hommes. Ce qui les lie bien plus profondément, c’est ce qui se transmet d’une blessure à l’autre. D’une souffrance à une autre. D’une fragilité à une autre. C’est ainsi que les hommes se rejoignent. Il n’y a pas de quiétude sans cris de douleur, pas de pardon sans que du sang soit versé, pas d’acceptation qui n’a connu de perte brûlante. Ces souffrances sont la base d’une harmonie véritable. »

J’ai aimé le cours paisible de ce récit, l'intrigue bien ficelée et proprement distillée. Mais comme dans son précédent livre, 1Q84, je regrette que Murakami navigue un peu trop en surface.

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L'incolore Tsukuru Tazaki et ses années de pèlerinage, littérature japonaise, traduit par Hélène Morita, Belfond, 368 pages, 23 euros. ISBN : 2714456871. Notre note : 4/5.






Un autre livre de Haruki Murakami : 1Q84.