Anita vit à Paris. Mais elle porte en elle de nombreux voyages. Sa mère, Radikha, née en Inde a été vendue et mariée à un austère major anglais, qui la ramène dans son pays puritain.

Sans doute avait-il espéré que cette beauté exotique impressionnerait la famille et lui vaudrait, sinon des égards, du moins des envies, des jalousies qui le valoriseraient. Mais il était parti trop longtemps de ce pays pour se souvenir qu’un système de castes régentait les rapports sociaux plus cruellement encore qu’en Inde parce qu’il était tacite. »

La major en est si frustré qu'il passe sournoisement sa rage sur son élue. Radikha se résout à se libérer. Elle l’empoisonne.

Elle porte son premier geste de femme affranchie comme un trophée écrasant. »

Elle retourne en Inde avec Anita, devenue ado. Et c’est dans l’avion qui les y emmène que les deux femmes rencontrent François, un Français qui tombe éperdument amoureux d’Anita. De leur union naîtra Mira, au cœur de l’Inde, un jour de pluie. Le couple rentre en France.

C’est donc tous ces voyages, les siens et ceux de sa mère qui ont « fait » Anita. Elle pense être à quai. Elle l’est. Mais le voyage n’est pas terminé pour son entourage. Sa fille Mira peine à accepter ses origines bigarrées, son « héritage malaxé par l’histoire et le destin » et se fait appeler Mari.

Anita la vit s’engager ainsi dans la voie des refus. Son amour et son intuition l’aidèrent à accepter sans souffrir que Mari-sans-e se mette à renier tout ce qui venait de l’Inde, nourriture, histoire et souvenirs familiaux. »

Et Mira part en Afrique, où elle prend tant de libertés avec les coutumes locales qu’elle en risque sa peau. Elle ne donne plus signe de vie.

Quant à François, c’est une autre forme de voyage qu’il entreprend.

On l’avait ramassé courant complètement nu dans le parc des Buttes-Chaumont et clamant à tue-tête qu’il était le nouveau messie envoyé sur la terre pour sauver les hommes. Il mélangeait toutes les langues qu’il connaissait, passant sans transition du français à l’anglais, du tamil à l’hindi. »

Anita devrait être effondrée. Et pourtant elle ne l’est pas vraiment.

Elle découvre avec un contentement timide qu’elle a une existence propre, une consistance intime. Ils se sont chacun à sa manière retirés de sa vie et voilà que dans cet espace abandonné elle s’est insensiblement accordé le droit d’occuper toute la place. »

Se retrouveront-t-il tous à bon port ? En un sens oui. Un sens que je vous laisse découvrir.

« La Saison des Mangues » est un de ces trop rares romans français contemporains qui raconte vraiment une histoire. C’est moins une histoire de voyages dans le monde que de voyage en soi-même. Une histoire où chacun décide un jour de partir à la recherche de lui-même et finit par se trouver quoi qu’il en coûte. Une quête d'autant plus complexe que les métissages s'emmêlent. Une métaphore subtile, portée par une plume légère et talentueuse, qui suggère plus qu’elle n’impose, ce qui laisse le lecteur, lui aussi, effectuer son propre voyage.

La route du soi, en quelque sorte…

Saison.jpg


La saison des mangues, Cécile Huguenin, littérature française, Héloïse d'Ormesson, 180 pages, 17 euros. ISBN : 235087298X. Notre note : 4/5.





Du même auteur : Alzheimer mon amour, son premier roman.