L’histoire se passe sur la petite île de Parla, où les contes de marins sont tellement ancrés dans la mémoire collective qu’on ne sait plus trop là-bas si ce sont des histoires ou tout simplement l’Histoire.

Il en est une qui raconte le destin d’un homme, retrouvé vivant sur les rives de l’île, pourtant très éloignée du continent. Un être dont on raconte qu’il faisait monter le mot « espère » des galets jusqu’au sommet des falaises, à tel point qu’il redonna confiance à un homme qui ne croyait plus en l’amour.

Cette histoire, nichée dans l’inconscient collectif des insulaires incrédules, revient dans toute les mémoires à l’occasion d’un curieux événement, qui va bousculer le fragile équilibre insulaire. Sam Lovergrove, un marin de Parla aperçoit un homme sur la plage alors qu’il se promenait sur la falaise.

Son buste est hors de l’eau ; ses jambes baignent encore dans le clapotis de la marée. Les cheveux noirs, une barbe noire. »

L’homme est vivant, et Sam l’emporte, avec trois de ses congénères, chez Tabitha, l’infirmière. Le groupe est perplexe : l’homme échoué ressemble, en plus massif, au regretté Tom, que la mer a pris mais n’a pas rendu, à ce jour, ni mort, ni vif.

Mais personne n’y croit vraiment.

Quand quelqu’un s’est-il échoué pour la dernière fois ? Quelqu’un de vivant ? Ça n’est jamais arrivé. La mer prend des vies ; elle ne les rend pas. Il n’existe aucune histoire de vie rendue par la mer »

En revanche, tout le monde veut croire qu’il est l’homme-poisson de la légende, celui qui va rendre l’espoir à cette île endolorie et panser les plaies.

L’homme se réveille, et entame un séjour paisible chez ses hôtes.

Il avait le visage d’un saint, ou le visage de qui connaît a vérité quand les autres ne la connaissent pas. Il comprenait tout – le deuil, le manque, comment les choses finissent et comment elles débutent. »

Il va rendre vie à une ancienne porcherie, rendre le moral à Leah, cette jeune fille rongée par la dépression, et rendre vigueur au cœur de Maggie, la veuve de Tom.

Cet homme est-il un escroc ? Est-il Tom ? Ou même l’homme poisson ?

Je vous le laisse découvrir, en entrant en douceur dans ce roman délicat. Un livre à l’écriture magique : l’intrigue est légère, et pourtant, les mots vous berceront par la magie d’un style apaisant. Un roman à l’eau de rose ? Ceux que ce genre dérange pourront lui en faire le reproche, mais sa qualité l’éloigne de l’insipide production fleur bleue.

Une belle découverte, à l’abri des sentiers battus, comme l’île de Parla où…

les plumes descendent dans les airs pour atterrir à nos pieds. Elles dérivent à la surface de l’eau comme des rêves. »

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Reflets d'argent, Susan Fletcher, traduit de l'anglais par Stéphane Roques, littérature anglaise, Plon, 461 pages, 22 euros. ISBN : 2290114111. Notre note : 4/5.