J'ai découvert un petit vent frais, une belle histoire. Celle de Zara, une jeune femme qui atterrit un jour comme un ovni dans le jardin d'Aliide, dans une sombre bourgade estonienne.
Un ballot gisait sous les bouleaux. Aliide s'approcha sans le quitter des yeux, en alerte. Le ballot était une fille. Boueuse, loqueteuse et malpropre mais une fille quand même. »
Vieille, acariâtre, brisée par la vie, Aliide s'inquiète de cette visite inattendue. Elle a peur car elle a quelque chose à cacher, veut virer l'importune. Et Zara a peur car elle est en fuite. Elle sait qu'Aliide est de sa famille, sans plus. Elle est son seul refuge.
Il fallait essayer d'être gentille, polie, bien élevée et serviable, mais elle avait une tronche de pute et des gestes de putes. »
Au fil des pages, les deux menteuses se dévoilent l'une à l'autre. Pour avoir la paix, Aliide a jadis épousé le communisme : elle s'est mariée avec Martin, un cadre du parti. Hautement sexy.
Martin avait toujours des restes d'oignons dans les dents. Il avait les muscles lourds, à ses bras pendaient de la peau molle. Les longs poils des aisselles étaient jaunâtres de sueur. »
Mais Aliide n'aimait que Hans, un opposant allemand, qu'elle cachait au domicile conjugal, à l'insu de Martin.
Zara, elle, a suivi une amie à Berlin, et s'est retrouvée embrigadée dans un réseau de prostitution.
Tout ce sperme, tous ces poils, tous ces poils dans la gorge et pourtant la tomate avait toujours un goût de tomate, le formage de fromage, même si dans la gorge elle avait toujours des poils. Ca voulait sans doute dire qu'elle était vivante. »
Zara a fui le réseau, non sans avoir occis l'un de ses membres éminents.
Aliide vendra-t-elle Zara ? Zara découvrira-t-elle pourquoi, venant de Russie, elle a de la famille en Estonie ? Lisez Purge, vous le saurez.
Cela en vaut la peine. Le style est très cru, mais pas sans élégance.
Lénine flottait majestueusement sur le tissu rouge, le regard vers l'avenir. »
On vit le communisme au quotidien.
Talvi avec sa copine avaient frotté un jeans Sangar avec une brique à n'en plus finir, pour qu'elles aient le même genre de pantalons qui avaient l'air usé qu'à l'Ouest. »
Et on se passionne pour ces deux destins finement croisés, pour ces deux combats humains, féminins, presque féministes.
La construction est également originale. L'histoire n'est pas linéaire, mais distillée en flash-backs et retours à aujourd'hui. Cela donne du rythme, mais ce n'est pas parfaitement réussi : le dénouement arrive un peu trop tôt.
Un grand roman, Purge ? Mieux : un grand roman à succès. Et en plus l'auteur a une tête incroyable...
Purge, Sofi Oksanen, traduit du finnois par Sébastien Cagnoli, Stock, 401 pages, 21 euros. Vous pouvez le commander sur Amazon.
Critiques, avis et analyses
Le début m'a un peu désarçonnée, ennuyée même, puis je me suis laissée prendre au jeu moi aussi. Bon roman, c'est vrai, et instructif, en plus.
"Et je l'ai lu. Pas pour les piercings dans le nez de Sofi Oksanen, mais pour voir ce qu'il y avait à l'intérieur."
Heuuu, à l'intérieur du nez ? :)
Avant de sortir, je voulais quand même ajouter que les chemins qui nous mènent à un livre ou à un auteur sont parfois surprenants. L'idéal c'est quand la bonne surprise est au bout du chemin, comme ça a l'air d'être le cas ici.
Un roman qui ne cesse de m'intriguer depuis sa sortie...
Maintenant, je sors. ;)
Mais non, reste, j'ai bien aimé ton pied de nez :-) Il faut parfois explorer la littérature par d'autres voies, histoire de mieux sentir les choses.
Une belle découverte, en tout cas, j'ai eu du pif.
J'ai trouvé ce roman (du moins les premiers chapitres, je ne suis pas allé plus loin) froid, ennuyeux, et difficile à suivre puisqu'il se déroule sur plusieurs périodes. Bof.
Et bien Nico, je dois reconnaître qu'en parlant de ce roman autour de moi, c'est un reproche que j'entends souvent... Je l'ai même autant entendu que ceux qui, comme moi, l'ont aimé !
C'est dur, dur, on a envie de le refermer mais c'est impossible...On veut savoir jusqu'où ça ira dans le glauque, et si il y a rédemption...Et j'ai été désorientée, comme beaucoup, par cette chronologie...Mais c'est à lire, car très instructif!
Oui, je pense vraiment que ce roman vaut le détour, qu'il n'est pas ordinaire. Mais je comprends les difficultés de lecture, je les ai éprouvées aussi, sans aller jusqu'à lâcher...
Comme bernard: ce livre vaut le détour.
par contre je n'ai pas ressenti ce côté "froid" et "dur" dont certains parlent.
J'ai été complètement absorbée par l'histoire de la jeune Zara et ai lu le livre quasiment d'un trait!
Décidément, des avis très divers sur ce roman, mais pas d'indifférence, il me semble...
C'est le charme de ce blog, de pouvoir avoir des avis tellement divergents, mais aussi intéressants les uns que les autres....et aussi bien sur des livres récents que plus anciens....
Merci Pomme, tu n'es pas pour rien dans les intéressants commentaires semés au fil de ce modeste site ;-)
Eh bien moi, je n'ai pas du tout lu le livre dans l'ordre, c'est dire que les flash back ne m'ont pas dérangée le moins du monde au contraire je trouve qu'ils ajoutent au suspens du dénouement (que par hasard je n'ai découvert que dans ma dernière phase de lecture !)
C'est superbement bien écrit, c'est sans concession, direct, avec une étude psychologique d'Aliide très intéressante, on apprend plein de choses sur une région de l'Europe qu'on ne connaît pas bien ici, et cerise sur le gâteau : le look de l'auteur !
:-) mais voilà la solution, le lire dans tous les sens ! Sylvie, tu es une orfèvre en matière de lecture, tu évites même les obstacles du roman... Bravo !
j'ai moi aussi été séduite par cette façon particulière de nous embarquer dans cette histoire. On y entre, et on ne s'y sent pas très à l'aise. Ces deux femmes ont tant à cacher, elles se taisent, s'espionnent et se révèlent eau à peu avec leur passé. Un moment de lecture riche et dense.
J'ai adoré et dévoré les premiers chapitres , pressée d'en savoir plus sur Zara que je devinais avoir été maltraitée. J'ai beaucoup appris sur le communisme et sur l'Histoire de ces pays éloignés.
Mais alors le n'ai pas compris la fin ! Et le secret de famille annoncé en page 4 de couverture, quel est-il? Je suis sur ma faim....
Pourquoi Bernard ne répond pas à mon message ?
Pardon Nelly, le beau temps m'a ces derniers temps attiré vers des activités de plein air et un peu éloigné d'ici. C'est vrai que la fin n'est pas très claire et sans la dévoiler, qu'elle n'est pas très positive pour l'Allemand caché dans la maison... Quant à ce secret de famille, il s'agit simplement du fait que les deux soeurs se sont séparés à une époque, ce que Zara ne sait pas et découvre petit à petit... J'espère que ceci aura pu t'éclairer...
Merci pour ta réponse, Bernard.
Quant au secret de famille que tu désignes comme tel, ce n'est pas à mon sens ce que j'appellerais un secret de famille. Cela dit je ne vois rien d'autre.
N'est-ce pas abuser le lecteur que de l'annoncer ?
Non décidément, je ne le sens pas, ce roman. je regrette l'intérêt que j'y ai apporté, attendant quelque chose au long des chapitres...
Heureusement la traduction française est bonne.
Je viens de traduire ”Purge” en serbe, depuis la traduction française (merci à M. Sébastien Cagnoli!), et j'ai beaucoup aimé ce roman. Plutôt froid et sec au niveau de l'expression, bouillonnant au niveau de l'émotion. Je m'attendais à ce qu'il soit comme-ça, j'ai déjà rencontré ce trait dans la littérature scandinave. Et puis, dans ce roman il n'y a pas de ”good guys”, il n'y a pas d'embellissement, toutes les émotions de l'amour à la haine sont présentes, et chaque personnage est bien capable de les ressentir, même les plus mauvaises, les plus choquantes. Sofi Oksanen ne prends pas des gants quand elle écrit. Un peu comme Lydie Salvayre, que j'adore :-)
Je suis d'accord Mel, on sent que Sofi Oksanen n'a pas de compassion pour ses personnages. Stephen King dit qu'un bon écrivain ne doit pas avoir pitié de ses personnages. Elle décrit donc les choses comme si elles étaient réelles, ce qui rend le roman plus vrai, je trouve. Merci de ta visite.
Bon un peu tard pour donner un avis mais il n'est jamais trop tard pour signaler un excellent livre. Certainement ce que j'ai lu de mieux depuis longtemps. Un livre, que comme Sylvie je n'ai pas lu dans l'ordre le suspens étant trop intense. Ce qui fait que j'ai bien lu deux fois certains passages. Superbe. Cru, Violent. Et une approche de la condition des femmes victimes des systèmes violents mis en place par les hommes. Bravo! Je l'ai fait lire à ma fille bien sûr. Quant au secret! je ne le divulge pas pour ne pas déflorer le mystère mais il est bien plus grave que ce que vous évoquez plus haut. je crois que vous devriez le relire dans le désordre!
moi aussi je viens de lire ce livre et je crois qu' il va me suivre longtemps!
Verotine ça m 'intéresserait de discuter avec vous de ce que vous avez compris du livre et du secret car comme personne ne l ' a lu dans mon entourage c 'est un peu frustrant de n avoir que sa propre analyse !
Le mystère:chercher la" Mouche"!!Bon roman,ouverture sur un pays dont on parle peu mais qui a eu son lot de violences dans l'Histoire de ces dernières décennies.La construction du roman est originale: plus on se dirige vers le dénouement ,plus on remonte dans le temps ,au départ de cet amour déçu et des faits qui ont suivi,en concordance avec les différents occupants du pays.Le secret n'apparaît que dans les dernières pages.
Excellent livre ! A lire absolument.
Conseillé par un ami, ce livre m'est tombé des mains. L'écriture de l'auteure m'a paru antipathique, sa complaisance pour le côté glauque de la vie et des êtres, dont les citations de ce billet rendent bien compte, déprimant. Je l'ai abandonné au bout de quelques chapitres.