Dans son dernier roman, Philip Roth prend un risque de romancier confirmé : conter l'existence d'un homme ordinaire, en utilisant le fil conducteur de ses séjours à l'hôpital, rares dans sa jeunesse, puis annuels, puis quotidiens, puis plus rien.
Ce qui fait la valeur de ce roman et ce qui me l'a rendu supportable, c'est qu'entre une péritonite aiguë, un quintuple pontage coronarien et l'ablation d'une extrémité de carotide, l'auteur aborde les questions essentielles de la fin de vie.
Comme la religion.
La religion est une imposture; elles lui déplaisaient toutes; il jugeait leur folklore superstitieux, absurde, infantile; il avait horreur de l'immaturité crasse qui les caractérisait, avec leur vocabulaire infantilisant, leur suffisance morale et leurs ouailles, ces croyants avides. »
Comme la frustration de l'homme mur.
Former un couple avec une des veuves de son âge, si peu attirantes, fut au-dessus de ses forces. En revanche, les jeunes femmes saines et vigoureuses qu'il voyait courir le long de la jetée, le matin, quand il partait faire sa promenade, n'étaient pas assez folles pour échanger avec lui un sourire professant leur innocence. »
Et comme le remords, quand le grand malade revient sur ses trois mariages, et surtout sur son premier divorce, que ses enfants ne lui ont jamais pardonné.
Espèces d'enfoirés, sales gosses boudeurs, petits merdeux sans indulgence ! Est-ce qu'on n'en serait pas là quand même si j'avais été différent et avais agi différemment? Est-ce que je me sentirais moins seul aujourd'hui ? Sans aucun doute! Seulement voilà, j'ai fait ce que j'ai fait, j'ai soixante et onze ans et l'homme que je suis, c'est moi qui l'ai fait. C'est comme ça que j'en suis arrivé là, un point c'est tout ! »
« Un homme » est un roman pessimiste, fataliste et cru. Son défaut, c'est son manque de profondeur, son flirt un peu trop appuyé avec le lieu commun sur la fin de vie. Mais son atout, c'est justement cette absence d'intensité, qui permet au lecteur de lire un livre sur l'expérience ultime sans trop s'impliquer. La mort en devient aussi banale qu'une existence ordinaire.
J'ajouterai à cette qualité ma fascination pour la plume de Philip Roth, qui parvient à conserver une délectable élégance malgré son dépouillement. Il m'est arrivé de me laisser porter par cette musique cristalline, sans penser au néant que portaient les mots. Un réflexe de survie, peut-être...
Un homme, Philip Roth, traduit de l'anglais (Etats-Unis) par Josée Kamoun, Gallimard, 153 pages, 15,50 euros.
Critiques, avis et analyses
Moi lire ce genre de livre, ça me met le moral dans les chaussettes ! Je préfère éviter ^^
Pour ma part, les extraits me donnent plutôt envie de lire ce roman. C'est peut-être par pur mimétisme , par famille de pensée, par cynisme interposé (oui, je sais le cynisme c'est mal, on va dire: la lucidité). Mais tout cela ne fait pas forcément un bon bouquin... à suivre donc.
Sinon, comme promis je me suis remis au "rapport de Brodeck" et ça va pas tellement mieux :-))
Je me laisse une dernière chance d'être convaincu et sensible plutôt qu'abattu... j'irai bientôt mettre mon grain dans la rubrique dédiée.
Eric Tchi.
En général, les sujets des ouvrages de Roth sont assez graves. Mais quelle plume tout de même !!
Dernier titre lu : Patrimoine. Assez autobio sur sa relation avec son père. J'appréhendais au début et puis finalement... c'est passé tout seul. ;-)
Mais franchement mon préféré : la tâche.
Je note celui-ci bien sûr pour quand ce sera le bon moment.
n fait, j'ai trouvé le personnage tellement peu attachant que je n'ai pas réussi à m'apitoyer sur ses malheurs; j'ai donc pu éviter la crise de cafard!
Mais je conteste le titre anglais: Everyman; heureusement, tous les hommes -ni non plus toutes les femmes!- ne sont pas comme lui.
Mon Roth préféré est aussi "la tache", livre à mon sens plus généreux et...humain.
En second vient "Pastorale américaine", avec les mêmes qualités, mais plus dur.
Il est forcément dans ma lal celui là, mais j'avoue que je ne suis pas trop pressée. Le sujet sans doute...
et bien moi, j'ai vraiment apprécié une fois de plus le "roman" EVERYMAN que j'avais acheté à sa sortie,en anglais l'an dernier . Je me laisse toujours emporter par cette écriture extraordinaire. Quel que soit le propos, Philip Roth me subjugue toujours. Peut-être est-ce parce que je le lis en anglais ? Je ne me lasse pas de cet auteur.
Essayez de lire "The Dying animal", (je ne connais pas le titre français : un bijou !
Moi j'ai vraiment pas accroché à ce roman, le personnage est effectivement asssez peu attachant et l'histoire bien que divertissante un peu pathétique.C'est vrai qu'il y a des passages qui font vraiment réfléchir (cf les citations) mais sinon ca sera jamais un chef d'oeuvre selon moi. Cependant je pense avoir commis une grave erreur en commencant l'oeuvre de Roth par celui-la.
Sinon j'ai adoré "Herzog", de saul bellow, autre monument de la littérature américaine du XXème siècle Un roman un peu dans la meme veine mais d'une profondeur extraordinaire avec un personnage vraiment attachant, ca fait partie des livres à ne pas manquer...
La fin de vie, subie, d’un homme banal… Le sujet aurait pu m’intéresser si il avait abordé la fin de vie d’un homme hors du commun ou les aspects propres à la vieillesse du comportement (démences, vision de la mort, décalage avec la société, etc.). Le problème c’est que je n’ai trouvé dans ce récit que les aspects les plus banals et commun d’un homme banal et commun… Le roman nous parle assez froidement de sa vie familiale ratée, de ses problèmes de santé (parfois glauques), et de son quotidien fade, ça tourne presque au voyeurisme… Un peu comme une discussion de salle d’attente d’un médecin généraliste un jeudi matin… sur 180 pages.
Les fan de Philip Roth descelleront peut être dans ce roman certains points autobiographiques ou certains clin d’œils.
Pour ma part, je n’y ai rien trouvé d’intéressant.
Bien cordialement,
Yohann (http://leblogdesbouquins.blogspot.c...)
Magnifique livre. La jeunesse, la vieillesse, la mort, avec la plus grande banalité, la vie quoi !
Une description volontairement sans intensité.
Un roman philosophique ou la vanité humaine est mise a mal. En effet, il n'y a rien de different dans l'humanité des centaines de generations passées, presentes ou futures.
Il nous fait la demonstration qu'en depit de notre attachement feroce a notre vie, qui nous parait particuliere et unique, nous ne perdons rien dans la mort, puisque nous sommes aussitot remplacés par d'autres qui voit le jour et sont en tous points semblables a nous.
Idée qui semble difficille pour certains.
Cdt
Francois
C'est vrai, ce livre est déstabilisant, non pas à cause du sujet principal de la mort, comme on aurait pu l'attendre, mais parce qu'il signe le procès de toute vie exemplaire pour nous rappeler notre banalité.