Bienvenue dans le Sishuan, une lointaine province chinoise. Dans un village, Li Ying ravit chaque soir les spectateurs venus s’imprégner de sa voix cristalline. Le chanteur d’opéra va s’éprendre de Mei, arrivée récemment au village. On le comprend.
Mei s’était levée très tôt. Elle lava soigneusement son corps, parfuma ses cheveux à l’eau de rose, peigna et enroula sa longue tresse autour de sa tête en forme de gracieuse tiare. Puis elle orna se chevelure d’une orchidée violette et d’un chrysanthème, étrenna un habit bleu ciel, brodé de motifs floraux et pendit enfin deux perles jaunes de la taille de deux olives à ses délicats lobes d’oreille ».
Les deux amoureux vont rapidement se marier. Ils feront trois beaux enfants. Le chanteur et la calligraphe auraient pu connaître un destin paisible comme le Yang-Tsé Kiang si la Chine n’avait commencé à décliner.
Un pays si riche et si vaste souffrait de pénurie alimentaire et devait importer des aliments tels que le riz, la farine et le sucre. L’intelligence et la sensibilité commencèrent à décliner dans l’échelle des valeurs de l’homme privé d’emploi. Un bourse pleine avait plus de sens qu’un tas de rêves et d’idées ».
Li Ying, lui, s’appauvrit et peine à prendre soin de sa famille. C’est alors qu’il décide de partir à Cuba, avec pour seul bagage une tresse de son épouse. Puis plus rien. Plus de nouvelles. Li Ying a disparu.
Son fils Mo décide de ne pas laisser ce mystère ruiner leurs vies. Il part sur les traces de son père, à Cuba, non sans avoir suivi les enseignements de Zhong Ni, dans la montagne. A Cuba, il sera médecin et avocat. Il s’appelle désormais Maximiliano Megia.
Mais ce n’est pas le paradis non plus.
Ce qui était mauvais dans l’île, c’étaient les politiciens véreux, l’inconscience du Cubain, la maigre capacité de discernement devant tout phénomène à portée sociale, la légèreté de pensée, le discrédit et la négligence, le manque de mémoire historique et d’esprit de sérieux, l’ignorance ou l’esprit superficiel de la jeunesse »
Mo retrouvera-t-il son père ? Je ne vous conte pas la fin. Partez en confiance avec « L’Eternité de l’instant ». Zoé Valdès conte sa très belle histoire avec énormément de sensualité. Sans aucune lourdeur, elle glisse au travers du voyage de très nombreuses sentences pleines de sagesse, qui font également de ce livre une main tendue pour réfléchir sur soi.
En voici une.
Celui qui ne parle pas sait, celui qui parle trop ignore le plus important, écouter les autres ».
Je me tais.
L'éternité de l'instant, de Zoé Valdés, Gallimard, 353 pages, 19,50 euros.
Critiques, avis et analyses
Si je croise ce livre, je me laisserai peut être tenter. Rien que pour retrouver le dernier extrait que tu nous offres. C'est vraiment beau.
Esthétiquement, vu de l'extérieur c'est un beau livre tout comme celui de Gaudé qui l'a précédé.
D'ailleurs après lecture et relecture dans cette note ce qui me plaît le plus c'est le laconique (..!)"je me tais" qui coiffe la couverture et clôt le texte. Bel effet vraiment!
J'avais à peine écrit ça que je me rongeais les sangs en me demandant comment tu allais le prendre..: en espérant que ce serait dans le bon sens, celui qui m'est venu à l'esprit sans réfléchir, et non comme si ironiquement je voulais dire que tout ce qui précède dans la note ne valait pas tripette.
La référence à Brassens me fait spécialement ;-),c'est bizarre en ce moment je n'ai que lui en tête, à tel point que je n'ai lu que deux notes récemment sur le net, une sur Cavanna et l'autre sur le peintre Anselm Kiefer, et que j'ai réussi à glisser son nom à chaque fois en commentaire!
Et celui-ci= www.analysebrassens.com/?... de site , connais-tu? C'est fou tous ces commentaires, assez vertigineux...