Mais quel calvaire pour arriver à cette conclusion !

Il faut pour cela accepter la mort de Tom, quatre ans et demi. Une mort qui vous lacère dès la première ligne. Cette ligne qui forme à elle seule un paragraphe, pour que ça fasse plus mal.

Tom est mort. J’écris cette phrase. »

Vous êtes en deuil. Avec la maman du petit, qui raconte, dix ans après, les premiers instants sans lui.

Que Tom, un mètre, seize kilos, ait pu plonger la famille dans un tel état me semblait prodigieux, proprement incroyable, bien sûr il allait revenir, ramasser un à un les petits cailloux blancs laissés sur le chemin et tout redeviendrait comme avant. »

Surtout ne pas pleurer.

Car viennent les étapes. L’annonce à la petite sœur, au grand frère, le choix du cercueil, de l’urne pour les cendres, la récupération des anciens vêtements et l’achat des nouveaux pour la dernière demeure, l’atonie de la maman, la dignité discrète de Stuart, le papa, qui plie mais ne rompt pas.

Ne pas s’emporter.

Ne pas taper du poing sur le divan, la table ou le matelas. Ne pas se dire : « Mais quel plaisir une femme, Marie Darrieussecq, peut-elle prendre à inventer la mort d’un enfant pour divertir d’autres humains ? »

Parfois, Tom revit, dans le souvenir de sa mère.

Tom et les libellules. Tom attendant, mains tendues vers le ciel, que les libellules viennent s’y poser. Et parfois, elles venaient. »

Ne pas fondre.

Et bizarrement, on ne pleure pas, ça ne vient pas. Car Marie Darrieussecq parvient à approcher la lave de l’innommable, du sordide, de la détresse et de l’enfance en cul-de-sac sans jamais nous brûler. Son sujet est dangereux, mais sa distance est respectueuse. Comme son style et ses métaphores, rares, fines, posées comme des dernières pièces de puzzle.

Avec la maman, on essaye de se dire qu'oublier un peu cet enfant, ce n'est pas l'abandonner. On pense pouvoir s’en sortir, ce qui pour nous signifie : lire jusqu’au bout. Et pour elle c'est :

Laisser Tom en paix. Essayer de lui donner le droit de sa mort. »

On voudrait que ces mots soient les derniers. Mais arrive ce paragraphe ultime, où elle raconte crûment les circonstances du décès. Comme si elle avait voulu laisser ce suspens pour la fin. Et ça, c’est vulgaire.

Tipp-Ex.


Tom est mort



Tom est mort, Marie Darrieussecq, P.O.L., 247 pages, 17 euros.