C’est l’histoire de Madeleine, Basile et Faber. Un trio soudé dès le collège par le charisme extraordinaire de Faber. Ils s’étaient juré d’être différents.

Par la fenêtre, on voyait nos camarades s’écouler comme un torrent d’été vers la porte blindée. Ils étaient pressés de prendre le bus ; ils étaient pressés de quitter le collège, d’acheter une voiture, de ne plus être des enfants et d’en avoir à leur tour.

Pas nous. »

Ils font les quatre cents coups, vivent leur différence, grandissent.

Et la vie rattrape Basile.

Tu as une montre ?

- Je suis bien obligé, je suis prof. »

Et rattrape aussi Madeleine, qui travaille dans la pharmacie de sa mère, alors qu’elle s’était jurée de fuir ce destin.

Faber, lui, s’est marginalisé. Parti squatter dans un village de montagne. Jusqu’au jour où ses deux anciens amis le pressent de revenir près d’eux, à Mornay, leur petite ville de province. Faber est amoindri, sale fatigué. Mais son retour ravivera la blessure de ses deux complices : ils se sont honteusement provincialisés.

J’ai compris que j’étais un provincial et que je le resterais probablement. Cela signifiait que je n’étais né qu’à moitié, que j’étais déjà mort pour partie. »

Le trio pourra-t-il renaître de ses cendres ? Ce n’est pas le dessein de Basile et Madeleine, qui envisagent pour leur dérangeant ami un sort plus funeste.

Faber est un roman qui part d’une bonne idée. Confronter deux amis rangés avec un troisième qui ne l’est pas. Aborder sans juger le thème des rêves déçus de l’adolescence. Tristan Garcia mène sa narration proprement : il raconte la douce rébellion de ces jeunes, la séparation, puis le retour de Faber, qui découvre l’engourdissement de ses deux disciples, et celui de ses autres copains de classe.

Le livre en dit long aussi sur une génération désabusée, en tout cas sous le regard de l’auteur.

Je crois que nous étions en droit d’attendre une vie différente. Mais pour gagner de quoi vivre comme tout le monde, une fois adulte, nous avons compris qu’il ne serait jamais question que de prendre la file et travailler. J’ai été de ceux qui ont choisi de baisser la tête pour pouvoir passer la porte de mon époque. »

Hélas, le récit traîne parfois en longueur, et l’intrigue se perd en événement mineurs, ou invraisemblables, dignes d’un polar un peu faible.

On aurait aimé un récit plus centré sur l’adolescence perdue. Mais l’auteur a heureusement réussi à nous titiller sur ce thème, qu’il traite sans jugement, sans tomber dans le piège facile de glorifier le rebelle. Mais il parvient quand même à nous rendre vigilant afin de ne pas confondre sagesse et endormissement !

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Faber, le destructeur, Tristan Garcia, Gallimard, littérature française, 462 pages, 21,5 euros. ISBN : 2070141535. Notre note : 3/5