Marcus Goldman a de la chance. A 28 ans, cet écrivain new-yorkais a publié un roman qui s’est vendu à deux millions d’exemplaires. Mais un an après sa sortie, la plume s’est asséchée : Marcus souffre du stress de la page blanche. Il s’en ouvre à son ancien professeur, l’illustre Harry Quebert, qui le rassure.

Les pages blanches sont aussi stupides que les pannes sexuelles liées à la performance : c’est la panique du génie. Ne vous souciez pas du génie, contentez-vous d’aligner des mots ensemble. Le génie vient naturellement. »

Mais rien n’y fait. Marcus n’avance pas. Son mentor l’invite à venir s’installer chez lui, dans son manoir sis en la petite ville d’Aurora, au fin fond de la nouvelle Angleterre. Et c’est là que va se jouer le drame. En essayant d’en savoir plus sur son génie de maître, Marcus découvre que Harry a eu, trente ans auparavant, une liaison avec une fille de quinze ans. Il en avait 34… Elle a disparu au même moment, sans laisser de traces.

Les événements s’enchaînent. Peu de temps après, alors qu’il a quitté Aurora, Marcus reçoit la nouvelle tel un choc frontal en regardant les infos à la télé.

C’est ici, dans sa maison d’Aurora, dans le New Hampshire, que l’écrivain Harry Quebert a été arrêté aujourd’hui après que la police a déterré des restes humains dans sa propriété. D’après les premiers éléments de l’enquête, il pourrait s’agir de Nola Kellergan, une jeune fille de la région qui avait disparu de son domicile en août 1975 à l’âge de 15 ans, sans que l’on ait jamais su ce qui en était advenu… »

La présence du manuscrit de Quebert auprès de la dépouille finit de l’accabler aux yeux de tous, et de le déchoir.

Convaincu de l’innocence de son maître, Marcus revient à Aurora. Et cherche à comprendre. Pour lui, Harry est innocent.

Tout pourtant accable son mentor. Mais au fil de ses rencontres dans cette ville de province qui sent la naphtaline, le nombre d’assassins potentiels ne fait que grimper. Au fil de ses découvertes, Marcus sent qu’il tient le bon sujet de roman et se met à écrire. La fiction se confond alors avec la réalité puisque le roman que vous lisez est celui de Marcus Goldman.

La Vérité sur l’affaire Harry Quebert est un roman sympa. La partition est magistrale, et les efforts de l’auteur pour prendre le lecteur à contre-pied n’ont pas été vains : on ne s’ennuie jamais. Dicker a décidé d’amuser son lecteur et y est parvenu. Il aborde en douceur le thème de la transmission et des certitudes qui éclatent et il distille, comme une liqueur enivrante, des petits conseils d’écriture de Harry à Marcus, que Joël Dicker s’applique à lui-même.

Disons que le roman a aussi les défauts de ses qualités : il est parfois un peu simple, y compris dans l’écriture, limite naïf, on entrevoit parfois les ficelles. Les amateurs de polars pur jus vont détester.

Ce n’est pas notre cas. Ce gentil « page turner » nous a bercé jusqu’au bout. Nous pouvons donc dire, avec le sourire, que la définition du bon roman, selon Harry Quebert, s’applique parfaitement à son objet :

Environ une demi-seconde après avoir terminé votre livre, Marcus, le lecteur doit se sentir envahi d’un sentiment puissant ; pendant un instant, il ne doit plus penser qu’à tout ce qu’il vient de lire, regarder la couverture et sourire avec une pointe de tristesse parce que tous les personnages vont lui manquer. »

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La vérité sur l'affaire Harry Quebert, Joël Dicker, littérature francophone, Éditions de Fallois, 670 pages, 22 euros. ISBN : 2877068633. Notre note : 4/5.