D’un côté, un univers de glace : Jean-Luc Talbot et sa petite vie monotone. Froide sa fonction de contrôleur des impôts où il accumule les redressements fiscaux avec un plaisir un peu sadique.

Froide sa relation avec Corinne, avec qui il vit depuis 1 an. Une aventure qui bat de l’aile.

Il n’a rien vraiment réussi dans la vie. Il a provoqué quelques faillites et une tentative de suicide qui lui reste quand même un peu sur la conscience. Sa vie privée passe, de rencontres en ruptures, et il la regarde avec un grand ennui…

Tout cela manque un peu de sel…

Du sel pour faire fondre la glace

Le sel, c’est Marie-Pierre, Maurice, Jonathan, Victor et les autres. Rencontrés au hasard d’un contrôle fiscal.

Hasard ? Tout au long du roman, on se pose la question…

Tout ce petit monde habite un château médiéval restauré et est en contact avec une ribambelle de personnages moyenâgeux. Guillaume, Isabeau, Curtelin et d’autres sont des âmes en peine, prisonnières de leur histoire datant du XVème siècle. Le contact se réalise, parfois dans l'intimité...

- Marie-Pierre. Qu’est-ce qu’il m’est arrivé, concrètement, la nuit dernière ?

- Vous êtes parti au XVème siècle, dans la mémoire d’Isabeau. Concrètement, comme vous dites, elle a reconstitué dans l’astral son époque, le décor de vos amours et le corps de Guillaume- mais à partir de votre matos d’aujourd’hui, si vous voyez ce que je veux dire. C’était de vraies retrouvailles physiques. Quand elle tirait la substance de Guillaume, c’était vous le fournisseur. »

Pendant tout le roman, vous allez être entraîné d’un monde à l’autre. La glace et le sel. Et vous allez assister à la lente fusion des deux univers jusqu’au résultat final qui fera de Jean-Luc un autre homme.

Qui est Jean-Luc ? Qui est Guillaume ?

Peut-on agir sur le passé ? Et en changeant le passé peut-on modifier l’avenir ? Ce questionnement est constant.

Vous, lecteur, serez un témoin attentif du combat entre l’esprit cartésien de Jean-Luc et les phénomènes paranormaux auxquels il assiste, auxquels il prend part, et puis qu’il provoque…

Après m’être passé de l’eau sur la figure, je me dévisage avec insistance dans le miroir. Je me raisonne, je me rassemble, je me réintègre. Je suis Jean-Luc Talbot, né de parents inconnus, je n’ai pas d’autre histoire que celle que je me suis forgée, de foyers d’accueil en fugues, d’études en plans de carrière, de ville en ville au hasard de mes affectations, de femme en femme au gré de leur désaffectations. (…) Marie-Pierre est une manipulatrice qui existe sur le dos des fantômes qu’elle invente, et quant aux prétendues preuves qu’on a mises sur ma route, il y a une explication à tout et je la trouverai. »

Et Corinne, la compagne du XXIème siècle ? J'ai beaucoup aimé l'évolution de leur relation, c'est même ce que j'ai préféré, dans ce roman.

« La nuit dernière au XVème siècle » se lit facilement, c'est un roman de vacances. Seul bémol : les invraisemblances auxquelles l’auteur est obligé de nous soumettre pour en arriver à la fusion entre le XVème et le XXIème siècle. Je n’ai pu m’empêcher de penser quelquefois : « là, c’est trop !... »

Un peu comme de l’eau trop salée…

Van Cauwelaert



La nuit dernière au XVème siècle, Didier Van Cauwelaert, Albin Michel, 282 pages, 19 euros.