Il est pourtant de la même pâte que ses prédécesseurs, avec une multitude d'ingrédients de la vie quotidienne, une cuillerée de tendresse, et une pincée de personnages attachants.

L'anti-héros s'appelle Charles Balanda. Il a 47 ans, et est architecte. Sa vie qui s'enlisait bascule lorsqu'il apprend la mort d'Anouk, la mère de son ami d'enfance, Alexis. Une femme qu'il aimait profondément. Et on le comprend.

Anouk n'avait pas d'âge car elle n'entrait dans aucune case et se débattait beaucoup trop pour se laisser circonscrire. Elle se comportait comme une enfant, souvent. Se roulait en boule au milieu de leurs Meccano, pouvait rester des jours sans parler, tombait amoureuse n'importe comment, les exaspérait à force de leur demander s'ils la trouvaient belle, non mais... vraiment belle. »

Ce décès force Charles à revivre son passé, à essayer de comprendre pourquoi il s'est brouillé avec Alexis, pourquoi il s'est éloigné d'Anouk durant des années, et comment elle est morte.

Charles finit par apprendre les causes de son décès, et s'en va rejoindre Alexis, à 500 km de Paris, pour tenter de renouer avec lui. C'est là qu'il fait la connaissance de Kate, une anglaise installée en France, dans la maison voisine de celle Alexis. Ce qu'elle a de spécial ?

Un lama, deux mille mètres carrés de toiture, une rivière, cinq enfants, dix chats, six chiens, trois chevaux, un âne, des poules, des canards, une chèvre, des nuées d'hirondelles, plein de cicatrices, une tronçonneuse, une écurie du XVIIIème et deux langues. »

Notre Charles en tombe éperdument amoureux. Va-t-il abandonner Laurence, son épouse dont il adore la fille de 14 ans, pour rejoindre la ménagerie? Vous le saurez en lisant le dernier Gavalda.

Si vous arrivez jusqu'au bout.

Parce que les obstacles sont très nombreux. D'épouvantables et incompréhensibles tics d'écriture, d'abord, comme cette manie d'omettre le sujet.

En prenant son ordinateur, vit que Claire avait essayé de l'appeler plusieurs fois. »

Ou le fait de répéter un mot après un saut de ligne pour le mettre en emphase.

Et elle ?

Voulait savoir, voulait comprendre pour une fois.

Comprendre.

Il faut aussi déplorer des dizaines de paragraphes parfaitement incompréhensibles, ou qu'il faut relire quatre à cinq fois pour identifier le locuteur.

En outre, et c'est plus grave, il faut attendre plus de 300 pages pour retrouver Anna Gavalda. Et là, les tics s'atténuent miraculeusement, et on retrouve son génie à enfermer dans quelque phrases les petites scènes et émotions du quotidien, qui nous parlent et nous touchent. Comme quand elle décrit l'enfance qui s'enfuit.

Alors c'était cela, avoir quatorze ans aujourd'hui. C'était être assez lucide pour savoir que tout se négociait en ce bas monde et en même temps assez naïve et tendre pour vouloir continuer à donner la main à deux adultes en même temps, et rester au milieu d'eux, bien au milieu, sans plus sautiller mais en les serrant fort, en les ferrant bien, pour les tenir ensemble, malgré tout. »

Enfin, Anna Gavalda flirte, pour la première fois, avec le roman Harlequin, où la femme est célibataire et apte à toutes les tâches, mêmes les plus physiques, ne croit plus en l'amour, rencontre un homme, nécessairement féminin et gauche, un homme prêt à envoyer valser sa vie pour la conquérir, sans qu'elle change la sienne d'un iota.

« La consolante » est donc un gâteau très sucré et raté. Raté mais pas brûlé.

Et je ne sais pas vous, mais moi, il m'arrive de prendre un certain plaisir à déguster les morceaux épars d'un cake qui n'a pas la forme qu'il aurait dû, parce que le goût, lui, est préservé. Et ce gâteau là, si raté qu'il soit, m'a donné quelques jolis frissons. Mais j'attends, pour la prochaine fois, une pâtisserie autrement plus raffinée.

La consolante





La consolante, Anna Gavalda, Le Dilettante, 637 pages, 24,50 euros.






Du même auteur : Ensemble c'est tout et Billie