Petit pays, de Gaël Faye
Roman

Petit pays – Gaël Faye

Le métissage, ce n’est pas seulement une couleur de peau. Ce sont aussi les courants contraires qui peuvent animer une personne au fond de son être. Dans Petit Pays, Gaël faille nous donne à voir à quel point ils peuvent être ravageurs.

Mais il a l’élégance d’amener les événements avec beaucoup de subtilité, en racontant la vie heureuse d’un enfant dans un Burundi en proie à de premiers remous politiques. Gaby, huit ans, vit dans les beaux quartiers de Bujumbura, avec sa soeur Ana, son père français et sa mère rwandaise. Mais son quotidien, c’est aussi et surtout le trio qu’il forme avec ses copains Gino et Armand, sans oublier leur ennemi Francis.

« On passait notre temps à se disputer, avec les copains, mais y a pas à dire, on s’aimait comme des frères. Les après-midi, après le déjeuner, on filait tous les cinq vers notre quartier général, l’épave abandonnée d’un Combi Volkswagen au milieu du terrain vague. »

Crescendo, Gaël Faye décrit comment des tensions irréversibles s’amoncellent sur cet insouciant quotidien, au rythme des événements politiques au Rwanda voisin et au Burundi, qui évoluent avec la lucidité naissante de Gaby, qui vient de fêter ses treize ans.

« Autour de nous, tout semblait normal. Pourtant, dans l’air, quelque chose vibrait, une tension sourde, un silence trop pesant. Comme avant un orage, quand le ciel se charge mais que la pluie tarde à tomber. »

Les premiers morts tombent au Rwanda, des amis de la famille, puis le propre frère de la maman de Gaby. Plus grave pour la vie paisible des enfants, les violences atteignent le Burundi.

« La nuit était calme. Je reconnaissais simplement les hululements de la chouette installée dans le faux plafond au-dessus de notre chambre. Je me suis redressé et j’ai attendu, jusqu’à ce que résonnent plusieurs bruits secs rapprochés les uns des autres. « On dirait des coups de feu… » Ana s’est glissée dans mon lit pour se blottir contre moi. »

Et tout bascule, la guerre étend sa mare noirâtre sur tous les habitants du quartier, les amis de Gaby intègrent les bandes armées et l’horreur devient leur quotidien. Gaël Faye décrit sans pudeur cette succession de moments violents, à la limite du soutenable par moment. Gaby les vit dans on âme africaine, son pays, c’est son impasse, pas la France.

On regrettera peut-être, selon qu’on soit une âme sensible ou non, cette profusion de scènes violentes, ou une accumulation de personnages sur un roman si court, mais la construction et la plume sont magistrales, et permettre de vivre les événements rwandais depuis le pays voisin, ce qui nous donne à ressentir le débordement de la violence, et de voir ce génocide sous un angle méconnu.

Je laisse le mot de la fin à Gaby, sur le long chemin qui l’attend pour reprendre pied après cette enfance meurtrie.

« Je ne suis plus d’ici ni de là-bas. Trop Français pour être Africain, trop Africain pour être Français. Je suis devenu un entre-deux, un pont sans rive. »

Petit pays, de Gaël Faye, Grasset, 217 pages.

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