A son chevet, elle confie ses souvenirs à cet homme inconscient, comme s’il était la pierre de patience magique. Cette pierre à qui, dans son pays, on confie ses malheurs, ses désespoirs jusqu’à ce qu’elle éclate un jour et vous libère.

Lentement, le rythme s’accélère, son murmure s’intensifie, se transforme en un cri qu’elle ne peut plus contenir et qui va lui faire dire des mots interdits et la pousser à se livrer à une confession sans tabous. Plus cette femme parle, plus elle se libère et, comme dans la légende, la pierre de patience finira par éclater et la rendre libre à jamais.

Atiq Rahimi écrit ce livre non pas comme un roman mais comme une tragédie : son style est lancinant, incisif, neutre mais quel amour il a pour cette femme qu’il nous fait partager avec un désespoir inouï.

Je devais me marier malgré ton absence. Lors de la cérémonie, tu étais présent par ta photo et par ce foutu kandjar que l’on a mis à mon côté, à ta place. Et j’ai dû encore t’attendre trois ans! Et pendant trois ans, je n’ai pas eu le droit de voir mes copines, ma famille… Il est déconseillé à une jeune mariée vierge de fréquenter les autres filles mariées. Foutaise! Je devais dormir avec ta mère qui veillait sur moi, ou plutôt qui veillait sur ma chasteté et tout cela paraissait si normal, si naturel à tout le monde. Même à moi.

La dernière page tournée, vous vous rendez compte que vous avez lu un texte militant qui a fait mouche: vous aurez pour toutes ces femmes une profonde empathie qui vous marquera durablement.

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Syngué Sabour, pierre de patience, Atiq Rahimi, P.O.L., 160 pages, 15 euros. Vous pouvez le commander sur Amazon.