Khadra ne lasse pas, ne juge pas, mais cherche à comprendre pourquoi certains événements précipitent les hommes dans le camp des victimes ou dans celui des assassins. Ses personnages se dépatouillent avec leur vie, tentent de la construire tant bien que mal, essayent de…

conquérir le jour même s’ils doivent d’abord passer par la nuit. »

Ils font ce qu’ils peuvent lorsqu’ils sont pris dans le tourbillon infernal des remous de l’histoire.

1930. Younès vit dans un quartier particulièrement pourri d’Algérie. La vie y est dure et violente mais il n’est pas malheureux : sa famille est aimante, les principes de sa religion ne sont en rien un carcan et les habitants ont réussi à créer un espace de solidarité et même de paix joyeuse.

A Jenane Jato, les gens dans leur majorité n’étaient pas mauvais. Leur misère n’avait pas réussi à vicier leur âme, ni leurs peines à éradiquer leur bonhomie. C’étaient des gens bien, par endroit attachants et drôles ; ils gardaient la foi en toute chose, et cela leur insufflait une patience inouïe. »

Mais le destin de Younès amorce un tournant radical lorsque son père, ruiné, le confie à son frère pharmacien. Younès, rebaptisé Jonas, par alors vers une autre vie que nous découvrirons tout au long de ce roman dont le dernier chapitre a lieu en 2008.

Jonas et ses amis vivent dans leur âme et leur chair les bouleversements de l’histoire de l’Algérie : il n’y a ni bon ni mauvais, chacun a choisi son camp par idéal, par conviction, et parfois par opportunisme et l’empathie que Khadra éprouve pour chacun de ses personnages mène le lecteur vers des jugements de compréhension et de tolérance.

J’ai moins aimé l’histoire d’amour qui traverse une partie du roman : beaucoup moins dense, elle altère la profondeur du récit.

En revanche, j’ai retrouvé avec délectation le superbe style de Khadra, l’harmonie de ses phrases et ses descriptions très courtes mais si belles.

Accroupi sur un amas de pierrailles, les bras autour des genoux, il regardait la brise enlacer la sveltesse des chaumes, se coucher dessus, y fourrager avec fébrilité. »

Ou encore cette sensuelle description de Marseille.

Marseille semblable à une vestale se dorant au soleil. Répandue sur ses collines, éclatante de lumière, le nombril dégagé et la hanche offerte aux quatre vents. »

Les dix dernières pages, où Jonas fait le bilan de ce qu’il a vécu vous remuent tant que vous fermez le livre en vous surprenant à faire la même chose… mais beaucoup moins bien !

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Ce que le jour doit à la nuit, Yasmina Khadra, Julliard, 2008, 413 pages. Vous pouvez le commander sur Amazon.