Telle est l’intrigue stephenkinguesque du nouveau roman d’Amélie Nothomb. Or donc, Amélie, avant de connaître les raffinements de la société anonyme japonaise, relatés dans « Stupeur et tremblements » a rencontré un galant, Rinri, son étudiant au cours de français. Et même qu’elle l’a embrassé avec la langue.

Ce n’est pas dans cette tragédie échevelée qu’il faut chercher l’intérêt du roman. Non, pour en extraire le nectar, il faut démasquer le livre. Retirez soigneusement la couverture de papier glacé et que découvrez-vous : un guide Marabout ! Intitulé : « Je découvre les différences entre les Japonais et les Occidentaux. »

Chapitre un : Saviez-vous que les Japonais se lavaient AVANT de rentrer dans la baignoire ?

Rinri, respectueux de la tradition, se récurait entièrement dans le lavabo avant d’entrer dans le bain : on ne souille pas l’eau de l’honorable baignoire. Je ne pouvais pas me plier à un usage que je trouvais si absurde. Autant mettre des assiettes propres dans un lave-vaisselle. »

Chapitre deux : Saviez-vous que les Japonais n’étaient PAS voleurs ?

Aller au cinéma à Tokyo déconcertait. Les gens s’installaient dans de vastes salles confortables, d’aucuns se rendaient aux toilettes mais pour garder leur place laissaient ostensiblement leur portefeuille sur leur siège. Je suppose qu’à leur retour il ne manquait pas un yen. »

Chapitre trois : Saviez-vous que les Japonais mangeaient des poulpes AGONISANTS ?

Je l’enfonçai dans ma bouche et essayai d’y planter les dents. Il se passa alors une chose atroce : les nerfs encore à vifs du poulpe lui intimèrent de résister et le cadavre vengeur attrapa ma langue de tous ses tentacules. Il n’en démordit plus. Je hurlai autant que l’on peut hurler quand on a la langue gobée par un poulpe. J’essayai de détacher l’animal avec mes mains : impossible, les ventouses collaient formidablement. Je voyais le moment où j’allais m’arracher la langue. »

Du sommet du mont Fuji aux faubourgs d’Hiroshima, des villas Tokyoïtes aux auditoires d’universités pour ratés, Amélie Marabout Nothomb, nous offre cette année quelques Polaroids japonais. L’humour est là, indiscutable, souvent efficace, parfois cabot. L’écriture reste leste, mais fait un peu costume trois pièces en tribune debout non couverte, vu la légèreté du sujet (même si je l’embrasserais bien avec la langue pour avoir trouvé des mots comme « ergastule » et « érémitique », qu’on ne trouve pas dans les Marabouts).

Un grand Nothomb ? Non, trop creux. Disons plutôt comme là-bas : un honorable Nothomb.


Ni d'Eve, ni d'Adam



Ni d'Eve ni d'Adam, Amélie Nothomb, éditions Marabout Albin Michel, 245 pages, 17,90 euros.