Je m’attendais donc à m’ennuyer, à m’énerver, à lire sans élan. Aujourd’hui, je dois bien reconnaître : il m’a eu.

Ce n’était pas gagné : je dois avouer un franc désintérêt pour la chose sportive. Mais dès les premières lignes, la fine plume de Philippe Delerm a de nouveau produit son effet. Une sorte de Prozac littéraire.

« La tranchée d’Arenberg et autres voluptés sportives » est un recueil de textes très courts (une page et demie) racontant, comme le ferait un enfant avec un génie littéraire précoce, des instantanés des petits et grands terrains de sports. On est parfois dans les vestiaires, parfois sur le bord d’une route belge, à regarder le tour des Flandres, parfois carrément dans la peau du sportif.

On joue au tennis…

Le passing shot rase le haut du filet, finit sa course sur la ligne de fond. A la volée, l’autre a déjà compris, n’a même pas esquissé un geste, assume ce coup de balancier du destin. Contre la perfection des causes perdues, il n’y a rien à faire. »

au football…

La pression sur le tireur est maximale, surtout quand le penalty est sifflé sur la fin de la parti, et encore plus quand il s’agit d’un tir aux buts, aux conséquences parfois définitives. Il lui faut alors quitter le rond central en marchant lentement, comme dans un western, entendre tout la rumeur d’un kop, agaçante quand elle prend la forme des lazzis des supporters de l’équipe adverse. D’habitude, il la met du plat du pied, à gauche, à ras de terre, mais ne serait-il pas opportun cette fois de tirer en force du coup-du-pied ? »

ou on lit simplement l’équipe.

Comme l’amour, le sport a le pouvoir de s’intégrer au paysage, de nous faire vivre un peu plus large. Il suffit pour cela qu’il ne le livre pas trop. Pénétrer dans les vestiaires avant, après un match, suivre le déroulement d’une compétition dans le moindre détail, interviewer les acteurs après leur prestation. Oui. Peut-être. Mais quelques mots dans un journal, c’est fort aussi. »

D’accord, cela ne vaut pas « Première gorgée de bière et autres plaisirs minuscules », le roman auquel Philippe Delerm doit sa célébrité. Mais, je dois le reconnaître humblement, le filon n’est pas tari.

Un petite pensée de Delerm, pour terminer, à méditer.

La nature humaine est ainsi faite : souvent, on attend que les gens soient tristes pour se rendre compte qu’on les aime ».

La tranchée d'Arenberg...



La Tranchée d'Arenberg et autres voluptés sportives, Philippe Delerm, Panama, 112 pages, 12 euros.