Le Blog des Livres - Mot-clé - Russie<p>Le Blog des livres est un site littéraire qui propose depuis 2007 des critiques et des avis sur des livres et romans récents et des interviews d'écrivains.</p>2023-12-18T19:18:18+01:00Bernardurn:md5:22018af4414fc176da7671c3b1eda900DotclearPurge - Sofi Oksanenurn:md5:5794b68e58ffbbf21f126647420bbdda2011-01-17T08:27:00+01:002018-10-17T18:27:43+02:00BernardL'amourenquêtefamillefemmesguerrehistoireRussiesuspense<p>Tu as lu Purge ? Euh non. Mais tu dois le lire ! Ah bon, pourquoi ? Mais t'as vu la tête de l'auteur ?</p>
<p>Or donc, on m'a recommandé près de 10 fois ce roman, sur base d'arguments hautement littéraires... Et je l'ai lu. Pas pour les piercings dans le nez de Sofi Oksanen, mais pour voir ce qu'il y avait à l'intérieur.</p> <p>J'ai découvert un petit vent frais, une belle histoire. Celle de Zara, une jeune femme qui atterrit un jour comme un ovni dans le jardin d'Aliide, dans une sombre bourgade estonienne.</p>
<blockquote><p>Un ballot gisait sous les bouleaux. Aliide s'approcha sans le quitter des yeux, en alerte. Le ballot était une fille. Boueuse, loqueteuse et malpropre mais une fille quand même. »</p>
</blockquote>
<p>Vieille, acariâtre, brisée par la vie, Aliide s'inquiète de cette visite inattendue. Elle a peur car elle a quelque chose à cacher, veut virer l'importune. Et Zara a peur car elle est en fuite. Elle sait qu'Aliide est de sa famille, sans plus. Elle est son seul refuge.</p>
<blockquote><p>Il fallait essayer d'être gentille, polie, bien élevée et serviable, mais elle avait une tronche de pute et des gestes de putes. »</p>
</blockquote>
<p>Au fil des pages, les deux menteuses se dévoilent l'une à l'autre. Pour avoir la paix, Aliide a jadis épousé le communisme : elle s'est mariée avec Martin, un cadre du parti. Hautement sexy.</p>
<blockquote><p>Martin avait toujours des restes d'oignons dans les dents. Il avait les muscles lourds, à ses bras pendaient de la peau molle. Les longs poils des aisselles étaient jaunâtres de sueur. »</p>
</blockquote>
<p>Mais Aliide n'aimait que Hans, un opposant allemand, qu'elle cachait au domicile conjugal, à l'insu de Martin.</p>
<p>Zara, elle, a suivi une amie à Berlin, et s'est retrouvée embrigadée dans un réseau de prostitution.</p>
<blockquote><p>Tout ce sperme, tous ces poils, tous ces poils dans la gorge et pourtant la tomate avait toujours un goût de tomate, le formage de fromage, même si dans la gorge elle avait toujours des poils. Ca voulait sans doute dire qu'elle était vivante. »</p>
</blockquote>
<p>Zara a fui le réseau, non sans avoir occis l'un de ses membres éminents.</p>
<p>Aliide vendra-t-elle Zara ? Zara découvrira-t-elle pourquoi, venant de Russie, elle a de la famille en Estonie ? Lisez Purge, vous le saurez.</p>
<p>Cela en vaut la peine. Le style est très cru, mais pas sans élégance.</p>
<blockquote><p>Lénine flottait majestueusement sur le tissu rouge, le regard vers l'avenir. »</p>
</blockquote>
<p>On vit le communisme au quotidien.</p>
<blockquote><p>Talvi avec sa copine avaient frotté un jeans Sangar avec une brique à n'en plus finir, pour qu'elles aient le même genre de pantalons qui avaient l'air usé qu'à l'Ouest. »</p>
</blockquote>
<p>Et on se passionne pour ces deux destins finement croisés, pour ces deux combats humains, féminins, presque féministes.</p>
<p>La construction est également originale. L'histoire n'est pas linéaire, mais distillée en flash-backs et retours à aujourd'hui. Cela donne du rythme, mais ce n'est pas parfaitement réussi : le dénouement arrive un peu trop tôt.</p>
<p>Un grand roman, Purge ? Mieux : un grand roman à succès. Et en plus l'auteur a une tête incroyable...</p>
<p><img src="https://www.leblogdeslivres.com/blog/public/images/couvertures/.Purge_m.jpg" alt="Purge.jpg" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="Purge.jpg, janv. 2011" />
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<br /> <em>Purge, Sofi Oksanen, traduit du finnois par Sébastien Cagnoli, Stock, 401 pages, 21 euros. Vous pouvez</em> <a href="https://www.amazon.fr/gp/product/2234062403/ref=as_li_ss_tl?ie=UTF8&camp=1642&creative=19458&creativeASIN=2234062403&linkCode=as2&tag=leblogdeslivr-21"><em> le commander</em></a><em> sur Amazon.</em><img src="https://www.assoc-amazon.fr/e/ir?t=leblogdeslivr-21&l=as2&o=8&a=2234062403" width="1" height="1" border="0" alt="" style="border:none !important; margin:0 !important;" />
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</p>https://www.leblogdeslivres.com/post/2011/01/17/Purge-Sofi-Oksanen#comment-formhttps://www.leblogdeslivres.com/feed/atom/comments/276Le canapé rouge - Michèle Lèsbre - Rentrée littéraire 2007urn:md5:8caf90fa2755cbe46ee89268d03c6f4b2007-09-21T21:17:00+00:002018-10-22T14:34:23+00:00BernardL'amourParisRussievoyage<p>Le sirop d’Erable vous écœure ? Vous ne pouvez plus supporter les slows du genre « Hotel California » ? La boule de glace sur la tarte tatin devrait, selon vous, être rayée de la carte (des desserts) ? Alors ne lisez pas « Le canapé rouge ».</p> <p>Ce roman sucré raconte l’histoire d’Anne, qui entreprend un voyage en train à travers la Russie pour retrouver Gyl, l’homme qu’elle n’aimait plus vraiment mais bon encore un peu alors elle a voulu le revoir.</p>
<p>Anne raconte son périple ferroviaire, son arrivée dans cette petite ville au bord du lac Baïkal et le destin de son ancien amant. Un destin qu’elle soupçonnait, mais qu’il lui a fallu approcher au plus près.</p>
<p>Anne croise ce récit avec celui de sa fascination pour Clémence, sa voisine âgée, qui vit à l’étage en dessous de chez elle, à Paris. Clémence a élu domicile dans un canapé rouge, qui trône en ses appartements.</p>
<blockquote><p>Deux fois par semaine je descendais l’étage pour lui faire un peu de lecture, ou lui raconter la vie de femmes qui m’étaient chères par leur insolence, leur courage, leur espièglerie parfois, leur destin tragique souvent. »</p>
</blockquote>
<p>Ces femmes qui se nomment Marion de Faouët, Olympe de Gouges, Milena Jesenská ou Anita Conti.</p>
<p>Les deux amies se racontent aussi leurs amours, déçues ou non, et la façon dont elles tentent de ressembler à leurs héroïnes, une obsession que Clémence poussera finalement au-delà des limites.</p>
<p>Malgré ses bonnes intentions, je sors de ce roman avec un brin d’irritation.</p>
<p>Il regorge de clichés. En Russie, les gens s’appellent « Boris, Piotr ou Vania ». Ils ont « les yeux gris-bleus ». Dans le train, la narratrice lit Dostoïevski. A Moscou, elle traverse la place Rouge et visite le musée Pouchkine. Et puis la mafia se terre, « derrière les vitres teintées des Mercedes. » Quand il est question de Cuba, c’est pour évoquer les Mojitos, quand on aborde Venise, c’est pour parler du « clapotis de l’eau sous la fenêtre. »</p>
<p>Sans parler des phrases qui se veulent aériennes, des sentiments qui se veulent élevés, mais qui peinent à quitter le plancher des vaches.</p>
<p>Comme ici.</p>
<blockquote><p>Je pensais à Gyl, à cette maxime tibétaine disant que le voyage est un retour à l’essentiel. Et puis je m’étais tue, absorbée par l’inquiétude qui me poussait si loin, si seule. »</p>
</blockquote>
<p>Voilà, moi qui ne suis pas le dernier à verser une larme quand d’autres gardent contenance, ce livre ne m’a pas touché. Personnellement, j’aime que l’émotion me surprenne, j’aime tomber dans le piège des mots choisis et des situations subtiles d’où naît le grand frisson.</p>
<p>Mais ici, je n’ai pu m’abstraire d’un inconfort, qui m’a rappelé ces vins où l’on ajoute des copeaux de bois pour leur donner un goût de vanille...
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<img src="https://www.leblogdeslivres.com/dotclear/images/couvertures/Canapa.jpg" alt="Le canapé rouge" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" />
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<br /> <em>Le canapé rouge, de Michèle Lèsbre, éditions Sabine Wespieser, 149 pages, 17 euros.</em>
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</p>https://www.leblogdeslivres.com/post/2007/09/21/169-le-canape-rouge-michele-lesbre-rentree-litteraire-2007#comment-formhttps://www.leblogdeslivres.com/feed/atom/comments/151Au secours pardon - Frédéric Beigbederurn:md5:d6052c900beb941f00f9e47729130ef62007-08-21T13:56:00+00:002018-10-22T14:35:54+00:00BernardL'amourfemmesRussiesentimental<p>Il y a plein de bons mots dans le dernier livre de Frédéric Beigbeder. Il y en a déjà un sur la couverture. Il est marqué « roman ».</p> <p>C’est un peu comme si les événements s’étaient produits comme ceci.</p>
<p>Il était un fois un écrivain de quatre bonnes dizaines d’années. Irrité par certains excès de son temps, il a hâte d’écrire son septième roman afin de coucher sur papier ce qui l’empêche de se coucher lui.</p>
<p>Il se sent mieux après avoir écrit ceci.</p>
<blockquote><p>Chez moi, on traite les enfants d’immigrés comme des délinquants à longueur d’année, jusqu’à ce qu’ils le deviennent, car les pauvres sont tellement obéissants qu’ils finissent par foutre le feu aux autobus et aux bagnoles, par courtoisie, pour ressembler à l’image qu’on leur projette d’eux-mêmes depuis la naissance. »</p>
</blockquote>
<p>Et ceci.</p>
<blockquote><p>En résumé, j’ai quarante ans : je ne sais pas qui je suis et je ne sais plus qui j’étais. L’angoisse du quadragénaire à l’approche de son anniversaire vient de l’addition de ces deux catastrophes. »</p>
</blockquote>
<p>Apaisé, mais arrivé à la page 153, il se rend compte qu'il n'a pas d'histoire. L’avorton de tragédie esquissé au début est donc complété. Il prend la forme d’un monologue d’Octave, qui s’adresse à un pope. Le prêtre orthodoxe l’écoute religieusement dans son église, en plein cœur de Moscou.</p>
<p>Octave exerce la profession de « talent scout ». Il est chargé par une grande firme de cosmétiques de trouver en Russie de nouveaux mannequins vedettes. Ou, pour reprendre ses mots :</p>
<blockquote><p>Mon but est simple : que trois milliards de femmes aient envie de ressembler à la même. »</p>
</blockquote>
<p>Sur des pages entières, Octave décrit le cynisme de sa profession, avec tellement de chaleur et d’humanité qu’il n’est absolument pas crédible.</p>
<p>Et ce qui devait arriver arriva : il tombe amoureux d’une de ses « cibles », Lena, qui voit en lui une puissante turbine d’ascension sociale. Et le roman se termine sur une glissade grotesque, qui trace au coin de vos lèvres un irrépressible rictus, éventuellement assorti d'un « mais quel con ! » généralement réservé aux feintes un peu lourdes lâchées par ceux qu'on aime bien quand même.</p>
<p>En fait, pour apprécier « Au secours pardon », il faut oublier que ce livre voulait devenir roman quand il était petit. Il faut le lire comme un édito géant sur une société que le dieu argent frustre et qui s’en cherche un autre. Les considérations sensibles et faussement immatures d’Octave séduisent, sur l’argent, l’oubli de l’autre, la lubricité des hommes, l’exigence des femmes et la rupture entre les premiers et les secondes. En le lisant de cette façon, on passe un bon moment, on se prend à réfléchir, alors qu’on n’était pas venu pour ça.</p>
<p>Et on se dit qu’en fait, Beigbeder n’est pas un romancier de talent. Car il faut pour cela deux éléments : être romancier et avoir du talent. Il lui manque le premier.</p>
<p><img src="https://www.leblogdeslivres.com/dotclear/images/couvertures/Beig.jpg" alt="Au secours pardon" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" />
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<br /> <em>Au secours pardon, Frédéric Beigbeder, Grasset, 19,90 euros.</em>
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</p>https://www.leblogdeslivres.com/post/2007/08/21/149-au-secours-pardon-frederic-beigbeder#comment-formhttps://www.leblogdeslivres.com/feed/atom/comments/131Mensonges de femmes - Ludmila Oulitskaïaurn:md5:a4f82b6e3e66d37b2dec8ef22361c0eb2007-07-21T14:37:00+00:002018-10-22T14:36:23+00:00BernardLa viefemmesnouvellesRussie<p>Les femmes sont des menteuses.</p> <p>Les hommes aussi. Mais leurs légendes et bobards sont d’une toute autre essence. Voilà le postulat de Ludmila Oulitskaïa (quel nom magnifique). Elle annonce ce scoop, sans prévenir, dès les premières lignes de « Mensonges de femmes », son huitième roman traduit en français.</p>
<blockquote><p>Peut-on comparer le bon gros mensonge masculin, stratégique, architecturé, aussi ancien que la réponse de Caïn, avec ces charmants petits mensonges de femmes dans lesquels on ne décèle aucune intention bonne ou mauvaise, ni même aucun espoir de profit ? »</p>
</blockquote>
<p>Troublant.</p>
<p>Et en plus, elle le prouve. En nous contant le destin de cinq menteuses.</p>
<p>Celui d’Irène, par exemple, qui fait croire à Génia, rencontrée pendant les vacances, qu’elle a épousé un grand compositeur dont elle a eu quatre enfants, qu’elle a perdus lors de trois accidents. De quoi bouleverser son interlocutrice.</p>
<blockquote><p>Comme ma vie est stupide ! On peut même dire que ce n’est pas une vie du tout… J’ai cessé d’en aimer un, je suis tombé amoureuse d’un autre… Vous parlez d’un drame. Pauvre Irène… Perdre quatre enfants… »</p>
</blockquote>
<p>Et puis il y l’histoire de l’humiliation d’Anna, dont l'amie, Macha, s'est fait passer auprès d'elle pour une grande poétesse. Un jour, Anna, si fière de son amie, récite l’un des poèmes de Macha dans une assemblée de jeunes intellectuels. Et il se passe ceci.</p>
<blockquote><p>Elle sentit que quelque chose clochait. Elle s’arrêta et leva les yeux. Quelqu’un riait sous cape. Un autre chuchotait avec son voisin d’un air perplexe. D’une façon générale, il y avait un véritable malaise, et la pause durait trop longtemps. »</p>
</blockquote>
<p>Pour une raison très simple : le poème n’était pas de Macha, mais du célèbre Maximilien Voliochine.</p>
<p>Les autres mensonges, tout aussi fins, sont distillés par des prostituées russes à Genève, par des enfants, et par une adolescente de 13 ans, qui s’invente une idylle avec un homme de trente ans son aîné.</p>
<p>Ce petit traité du mensonge ordinaire est délicieux. L’auteur espiègle. On aperçoit la Russie d’aujourd’hui, beaucoup plus raffinée que celle que les médias nous imposent.</p>
<p>On se régale aussi de quelques excès de langage et exagérations, qui nous rapprochent sans doute de cette insaisissable âme russe. Le tout servi sur une écriture aussi délicate que du caviar de la Caspienne.</p>
<p>On reçoit enfin quelques vérités sur les rapports entre les hommes et les femmes d’aujourd’hui. Comme ici.</p>
<blockquote><p>Un fer à repasser caresse quand on en a besoin, tandis qu’un homme caresse quand il en a besoin, lui ! »</p>
</blockquote>
<p>Il me reste une question existentielle après lecture de ce très beau livre. Et si c’était Ludmila Oulitskaïa, la menteuse ?
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<img src="https://www.leblogdeslivres.com/dotclear/images/couvertures/Mensonges.jpg" alt="Mensonges de femmes" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" />
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<br /> <em>Mensonges de femmes, Ludmila Oulitskaïa, Gallimard, 188 pages, 16,5 euros.</em>
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</p>https://www.leblogdeslivres.com/post/2007/07/21/137-mensonges-de-femmes-ludmila-oulitskaia#comment-formhttps://www.leblogdeslivres.com/feed/atom/comments/124Une exécution ordinaire - Marc Dugainurn:md5:a0b8b429ac29382db43a18926dc3acb52007-05-08T21:53:00+00:002018-10-23T15:37:52+00:00BernardL'aventuredictaturemerRussie<p>Mais qui a dit que les auteurs français n’étaient plus capables de raconter des histoires ? Moi. Marc Dugain vient de m'administrer un démenti cinglant.</p> <p>Quoi de plus agréable de commencer à lire un roman avec ses petits soucis, puis d’oublier tout et tout de suite, pour entrer dans un salon discret du Kremlin, où Olga Ivanovna Atlina soigne Staline en personne. Elle ne le fait pas de gaieté de cœur : Olga, médecin réputé a été dûment réquisitionnée par le Maître, et a été priée de quitter son mari sous peine de faire plus ample connaissance avec les frimas sibériens.</p>
<p>Cela s’appelle de la terreur. Staline assume :</p>
<blockquote><p>Pour moi, la terreur, c’est la certitude pour tout homme de l’Union soviétique, du plus humble au plus puissant, de l’anonyme à l’ami de Staline, que rien ne le protège d’une décision de l’exécuter qui peut tomber à chaque instant sans véritable fondement. »</p>
</blockquote>
<p>Staline à peine décédé, nous voici en Allemagne de l’Est, en compagnie de Vladimir Plotov, un espion du KGB. Il sera chargé d’approcher une accorte allemande l’Est, espionne, elle aussi, qui lui proposera ses charmes et ses deniers. Plotov résistera et deviendra le président russe. Si cela vous fait penser à Vladimir Poutine, c'est normal !</p>
<p>A peine remis de ces émotions, Dugain nous transporte au bord de la mer de Barents, pour partager la vie quotidienne de Pavel, le père d’un marin naufragé dans l’accident d’un sous-marin russe, l’Oskar. Si cela vous fait penser au Koursk, naufragé pour de vrai le 12 août 2000, c'est normal.</p>
<p>Et pour terminer, Marc Dugain conte les dernières heures de Vania, le fils de Pavel, par 100 mètres de fond, dans l'indifférence du président Vladimir Plotov, pourtant informé du drame. A la lecture des passages décrivant la raréfaction de l’oxygène, ne vous étonnez pas si vous respirez péniblement. Prenez une bonne bouffée d’air avant de lire ceci :</p>
<blockquote><p>Le silence s’est progressivement emparé de l’épave. Les heures s’égrènent et, quand le sommeil paraît poindre, le froid devient subitement insupportable. La mer a refroidi l’épave à température des profondeurs. Il devient impossible de dormir. Vania réalise que sa hanche est mouillée. L’eau est là, déjà. En montant, elle comprime la bulle d’air. Les corps sont à moitié paralysés par l’eau glacée et les têtes écrasées par la pression. »</p>
</blockquote>
<p>Si vous aimez les petites histoires dans la grande Histoire, les récits bien bâtis, le verbe modeste qui n’exclut pas les belles formules, lisez « Une exécution ordinaire ».</p>
<p>Non content de réunir ces qualités, ce roman semble défendre une thèse : celle d’une Russie immuable, où l’impérialisme, le culte du secret, et l’écrasement de l’individu sont des phénomènes qui résistent au temps, que le régime soit tsariste, communiste, ou « démocratique ».</p>
<p>Edifiant!</p>
<p><img src="https://www.leblogdeslivres.com/dotclear/images/couvertures/Dugain.gif" alt="Une exécution ordinaire" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" />
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<br /> <em>Une exécution ordinaire, Marc Dugain, Gallimard, 350 pages, 19,90 euros</em>
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</p>https://www.leblogdeslivres.com/post/2007/05/08/92-une-execution-ordinaire-marc-dugain#comment-formhttps://www.leblogdeslivres.com/feed/atom/comments/81Un roman russe - Emmanuel Carrèreurn:md5:23dd70f79ae80fa65d3c11372a0c9d362007-03-28T22:59:00+00:002018-10-23T15:38:18+00:00BernardL'amourRussiesentimental<p>Cela doit être le privilège des écrivains confirmés : ils ont ce droit précieux d’étaler leur tourment sur tout un roman. Le lecteur, lui, est prié d’accepter. Quand la vie de l’écrivain vaut le détour, ça passe. Quand elle dans la norme, ça casse.</p> <p>Voyons voir avec Emmanuel Carrère. En guise d’auto-thérapie, il nous raconte trois histoires. Celle d'un reportage qu'il a réalisé sur András Toma, un prisonnier Hongrois de 19 ans, capturé en 1944 et interné dans un hôpital psychiatrique russe, situé à Kotelnich, une ville perdue à 500 kilomètres de Moscou. Cinquante-trois ans plus tard, András Toma est retrouvé, et ramené en Hongrie.</p>
<p>La seconde histoire est celle du grand-père maternel d’Emmanuel Carrère. Cet homme, qui se détestait autant qu’il haïssait ses semblables, a trouvé dans la collaboration avec les Allemands un moyen d’exister. A la libération, des inconnus l’emmènent. On ne l’a jamais revu.</p>
<p>Une tragédie banale. Sauf que la mère d’Emmanuel Carrère, Hélène Carrère d'Encausse, avait supplié son fils de ne pas la raconter.</p>
<blockquote><p>Emmanuel, je sais que tu as l’intention d’écrire sur la Russie, sur ta famille russe, mais je te demande une chose, c’est de ne pas toucher à mon père, pas avant ma mort ».</p>
</blockquote>
<p>Une vaine supplication...</p>
<p>Enfin, Emmanuel Carrère nous raconte son histoire d’amour avec Sophie, pour qui il avait écrit une nouvelle dans « Le Monde ». Une nouvelle magnifiquement bâtie, qui vogue aux confins de l’érotisme, là où commence la pornographie. Une nouvelle qui le dévastera.</p>
<p>L’auteur raconte son histoire d’amour brisé. C’est douloureux, parce que ces deux êtres-là jouent à se faire mal. Et nous font mal.</p>
<p>Alors, banales ou pas les petites histoires de Carrère ? Presque banales. Mais la puissance de ce livre réside dans les dégâts qu'il pourrait commettre. La mère d'Emmanuel Carrère, dont le secret est dévoilé, risque d'en souffrir. Sophie, son ex-copine, dont la vie amoureuse et sexuelle est étalée n'appréciera pas. Et l'actuelle compagne de Carrère non plus. Car il ne cache pas qu'il a écrit ce livre pour faire revenir Sophie. Il le lui dit dans le roman.</p>
<blockquote><p>Je voudrais te mériter, même si je sais que c’est trop tard. Je voudrais dans l’absence et le manque écrire un livre qui raconte notre histoire, notre amour la folie qui s’est emparée de nous, et que ce livre te fasse revenir. »</p>
</blockquote>
<p>C’est un beau roman, mais il est cruel, torturé et compliqué. Presque mégalo, puisque Carrère entend infléchir le destin de ses proches en écrivant ce livre. Au moins, il le reconnaît :</p>
<blockquote><p>J’aime que la littérature soit efficace, j’aimerais idéalement qu’elle soit performative, au sens où les linguistes définissent un énoncé performatif, l’exemple classique étant la phrase : "je déclare la guerre" : dès l’instant où elle est prononcée, la guerre est de fait déclarée. »</p>
</blockquote>
<p><img src="https://www.leblogdeslivres.com/dotclear/images/couvertures/romanrusse.jpg" alt="Un Roman russe" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" />
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<br /> <em>Un roman russe, Emmanuel Carrère, 357 pages, P.O.L., 19,5 euros.</em>
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Du même auteur : <a href="https://www.leblogdeslivres.com/post/2012/03/05/Limonov-Emmanuel-Carr%C3%A8re">Limonov</a>
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</p>https://www.leblogdeslivres.com/post/2007/03/28/81-un-roman-russe-emmanuel-carrere#comment-formhttps://www.leblogdeslivres.com/feed/atom/comments/66