Jed Martin est artiste. Il débute sa carrière de manière originale, en réalisant des portraits photographiques de cartes Michelin. Il se réoriente ensuite vers la peinture, en couchant sur la toile des moments historiques de la vie économique. Des pièces telles que « Bill Gates et Steve Jobs s'entretenant du futur de l'informatique », lui feront à jamais oublier le dénuement de ses débuts.

Au moment où cette histoire se fatigue, Houellebecq y greffe un crime de sang et une intrigue policière, sans grand lien avec ce qui précède, ni sans grand intérêt.

Ce roman n'est pas ennuyeux pour autant. Parce qu'il y a des gadgets. Les gadgets, c'est l'usage original de l'italique, les descriptions détaillées et incongrues de la vie des bichons ou des asticots et surtout, ces petits moments où Houellebecq se met en scène, lui, et d'autres personnalités, comme Julien Lepers.

Les gens se reconnaissaient en Julien Lepers, les élèves de première année de Polytechnique comme les institutrices à la retraite du Pas-De-Calais, les bikers du Limousin comme les restaurateurs du Var, il n'était ni impressionnant ni lointain, il se dégageait de lui une image moyenne et presque sympathique, de la France des années 2010. »

Ce qui fait aussi l'intérêt de ce roman, ce sont ces descriptions crues et désabusées du monde d'aujourd'hui. Elle sont souvent provocatrices.

Lui non plus n'aimait pas les enfants s'il voulait bien y réfléchir, il n'aimait pas leur égoïsme naturel et systématique, leur méconnaissance originelle de la loi, leur immoralité foncière qui obligeait à une éducation épuisante et presque toujours infructueuse. »

Et parfois un peu plus sensées.

Au milieu de l'effondrement physique généralisé à quoi se résume la vieillesse, la voix et le regard apportent le témoignage douloureusement irrécusable de la persistance de caractère, des aspirations des désirs, de tout ce qui constitue une personnalité humaine. »

Calmons-nous : « La carte et le territoire » n'est pas un grand roman. Parce que l'écriture est relâchée, l'intrigue indigente, et parce que le mélange d'une histoire, de gadgets et de considérations sur notre temps manquent totalement de lien entre eux.

Mais on passe, malgré tout, un bon moment. On rit (jaune). Et on se prend même à réfléchir un peu. Non pas sur les thèmes abordés par Houellebecq, mais plutôt sur le succès d'un propos aussi désabusé. Pourquoi des sentences aussi sombres, n'inspirent-elles pas davantage de rejet ? Parce qu'elles flirtent avec la limite, sans doute, sans la franchir. Ou alors parce qu'André Gide avait raison quand il disait :

On ne fait pas de littérature avec de bons sentiments. »

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La carte et le territoire, Michel Houellebecq, Flammarion, 428 pages, 22 euros. Vous pouvez le commander sur Amazon.