C’est même un peu trop comme on pourrait se l’imaginer : en fait, je n’ai pas trop aimé le début car je me voyais en train de regarder les infos à la télé.

Mais je me suis accroché, et je ne le regrette pas : la suite du roman m’a vraiment plu. Un détail en particulier m’a beaucoup touché : un des personnages, Palestinien, est invité dans un grand restaurant avec deux Européens. Le restaurant est très luxueux. Les Européens parlent de l’Europe et de la vie facile que nous avons. Ce passage fait beaucoup réfléchir : chaque jour de leur vie, toutes les personnes qui vivent dans ces pays-là prient pour ne pas mourir bêtement dans un attentat ou simplement pour ne pas recevoir un coup de téléphone annonçant la mort d’un proche. Quand rien de tout cela ne se produit, ils estiment avoir de la chance

Et nous, chaque jour de notre vie, nous avons tout. Moi, j’estime avoir de la chance quand j’ai quelques profs absents à l’école… ! C’est pourtant le même mot, non ?

L’auteur prend aussi le temps de s’investir dans les sentiments profonds des personnages. Ces derniers « se confient » et c’est à ce moment qu’on se rend encore plus compte de notre vie luxueuse. Valérie Zenatti (auteur) fait très bien ça, peut-être parce qu’elle a passé son adolescence là-bas et qu’elle vit maintenant en France. Un exemple :

Cher Naïm, je suis désolée. Désolée que tu te sois inquiété, désolée que tout cela se soit produit. Malheureuse, anesthésiée, vidée, c’est moi, aujourd’hui. Tu ne peux pas savoir comme ça fait du bien de pleurer de sangloter, quand les larmes sont restées bloquées en une barre dure dans le front, une barre qui m’empêchait de parler, qui m’empêchait de garder les yeux ouverts, m’empêchait de les fermer, me torturait. Un bus est entré dans mon champ de vision. Il n’en est pas ressorti. Il n’en ressortira jamais. Terrible ? C’était plus que terrible. Affreux ? C’était plus qu’affreux. Cauchemardesque ? Non, l’enfer. »

Pour terminer, je soulignerai que ce livre a été écrit par un auteur qui n’avait pas l’intention de faire des tas de trilogies et tous les films qui vont avec. Le livre commence, et se termine. C’est de plus en plus rare dans les bouquins pour jeunesse. Je le regrette.

Un dernier extrait, parce qu’il n’y a pas que de la tristesse, et qu’il nous montre que ce ne sont pas des aliens qui vivent dans ces pays là, mais des humains comme ici. Il m’a fait beaucoup rire.

C’est elle (Shira, pas Jennifer Aniston) qui m’a appris à dire des choses anodines sur un ton catastrophé. Ca parait bête comme ça, mais ça fait un bien fou. Il faut s’exercer assez souvent. Par exemple : tu as une mauvaise note en math. Au lieu d’être simplement embêté, triste, ou d’avoir peur de le dire à tes parents, il faut répéter avec des accents de désespoir dans la voix : « Oh non, ce n’est pas possible ! C’est absolument dramatique ! Je vais rater mon trimestre, mon année, mon bac ! Je n’irai jamais à l’université, je ferai la manche mais personne ne me donnera rien, on me dira que je suis jeune, que je peux travailler, j’ai deux bras, deux jambes, mais personne ne m’embauchera, et si je n’ai pas de travail, je n’aurai pas de famille, pas d’enfants, ma vie est foutue ! ». Après, tu te souviens que tu as dit tout ça parce que tu avais raté ton contrôle de math et ça te fait bien rire. »

Une bouteille dans la mer de Gaza




Une bouteille dans la mer de Gaza, Valérie Zénatti, L'école des loisirs, 168 pages, 9,5 euros. Vous pouvez le commander sur Amazon.