Le Blog des Livres - Mot-clé - moyen-orient<p>Le Blog des livres est un site littéraire qui propose depuis 2007 des critiques et des avis sur des livres et romans récents et des interviews d'écrivains.</p>2023-12-18T19:18:18+01:00Bernardurn:md5:22018af4414fc176da7671c3b1eda900DotclearParle-leur de batailles, de rois et d'éléphants - Mathias Enardurn:md5:8e4043b579324390f6dfea0b07e8477e2011-03-15T12:54:00+01:002018-08-25T15:34:30+02:00BernardLe lointainarchitecturecrimehistoiremoyen-orientorient<p>Il était une heure du matin. La musique allait fort, la cigarette s'incrustait déjà dans les pulls. Le barman était débordé, nos corps bougeaient de temps en temps, ballottés par le courant des clients qui entraient et sortaient du bar.</p>
<p>Puis je ne sais comment on en est arrivé à parler du livre électronique...</p> <p>Et là, dans une impulsion, j'ai sorti de ma besace le dernier roman de Mathias Enard, « Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants », et j'ai dit que jamais je ne pourrais me priver de la beauté d'une couverture, du plaisir de promener mon doigt sur le fin carton lisse et coloré.</p>
<p>Puis je plongeai le nez au cœur du livre, et cette effluve boisée, propre aux romans publiés chez « Acte Sud » acheva de me convaincre de l'invincible sensualité du livre papier. Au cœur du bar, l'ouvrage voyagea de nez en nez, comme on se serait passé un verre de vin millésimé pour en saisir le bouquet délicat.</p>
<p>Une semaine plus tard, une autre certitude se fit jour, cruelle : ce n'est pas parce qu'un livre est joli et sent bon qu'il est réussi.</p>
<p>Mathias Enard raconte une courte tranche de vie de Michel-Ange, qui, le 13 mai 1506 débarqua à Constantinople à la demande du Sultan, aux fins d'y dessiner un pont devant marier les deux rives de la Corne d'or.</p>
<blockquote><p>Un ouvrage de plus de neuf cents pieds de long. Michel Ange a mollement essayé de persuader les franciscains qu'il n'était pas qualifié. Si le sultan vous a choisi, c'est que vous l'êtes, maître, ont-ils répondu. »</p>
</blockquote>
<p>Mais, pour Michel Ange, l'enthousiasme des débuts se mue rapidement en profond tourment.</p>
<p>Parce qu'il s'en veut de se montrer infidèle au pape, à qui il a promis un tombeau.</p>
<blockquote><p>Mon Dieu pardonnez-moi mes péchés, mon Dieu pardonnez-moi d'être auprès d'infidèles. »</p>
</blockquote>
<p>Parce que les balades dans Constantinople avec son ami le poète Mesihi le fascinent.</p>
<blockquote><p>Les feux des tours de Péra sont allumés; la Corne d'Or dans des méandres de brumes obscures et, à l'est, le Bosphore dessine une barrière grise dominée par les épaules sombres de Sainte-Sophie. »</p>
</blockquote>
<p>Et parce que l'amour finit par le mordre.</p>
<blockquote><p>La ville balance entre l'est et l'ouest, comme lui entre le sultan et le pape, entre la tendresse de Mesihi et le souvenir brûlant d'une chanteuse éblouissante. »</p>
</blockquote>
<p>Ces déchirements, et quelques êtres malfaisants empêcheront-ils Michel Ange d'arriver à ses fins ? Je vous le laisse découvrir.</p>
<p>Ce joli roman, joliment écrit, part d'une jolie idée. C'est bien joli tout ça, mais à tant s'attacher à la forme, l'auteur semble avoir oublié de soigner son intrigue, qui manque un peu de corps. Exigeant, moi ? Peut-être. Mais la couverture, l'odeur et la plume étaient si prometteuses...</p>
<p>Mais jamais ce roman ne quittera ma bibliothèque. Il est vraiment trop joli. Et il sent trop bon.</p>
<p><img src="https://www.leblogdeslivres.com/blog/public/images/couvertures/Enard.jpg" alt="Enard.jpg" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="Enard.jpg, mar. 2011" />
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<br /> <em>Parle-leur de batailles, de rois et d'éléphants, Mathias Enard, Actes Sud, 154 pages, 17 euros. Vous pouvez</em> <a href="https://www.amazon.fr/gp/product/2330015062/ref=as_li_ss_tl?ie=UTF8&camp=1642&creative=19458&creativeASIN=2330015062&linkCode=as2&tag=leblogdeslivr-21"><em>le commander</em></a><em> sur Amazon.</em><img src="https://www.assoc-amazon.fr/e/ir?t=leblogdeslivr-21&l=as2&o=8&a=2330015062" width="1" height="1" border="0" alt="" style="border:none !important; margin:0 !important;" />
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</p>https://www.leblogdeslivres.com/post/2011/03/15/Parle-leur-de-batailles%2C-de-rois-et-d-%C3%A9l%C3%A9phants-Mathias-Enard#comment-formhttps://www.leblogdeslivres.com/feed/atom/comments/285Syngué Sabour, pierre de patience - Atiq Rahimi - Goncourt 2008urn:md5:f9a1dce6ac5da5a7d156d35a37a8342c2009-02-01T17:21:00+00:002018-10-17T17:29:09+00:00MarieLe lointainGoncourtmoyen-orient<p>Jamais je n'ai lu un Goncourt aussi mérité.</p>
<p>Atiq Rahimi nous fait vivre le parcours cabossé d’une femme musulmane. Emprisonnée dans les diktats culturels et religieux, elle veille des heures et des jours son mari plongé dans le coma occasionné par une balle...</p> <p>A son chevet, elle confie ses souvenirs à cet homme inconscient, comme s’il était la pierre de patience magique. Cette pierre à qui, dans son pays, on confie ses malheurs, ses désespoirs jusqu’à ce qu’elle éclate un jour et vous libère.</p>
<p>Lentement, le rythme s’accélère, son murmure s’intensifie, se transforme en un cri qu’elle ne peut plus contenir et qui va lui faire dire des mots interdits et la pousser à se livrer à une confession sans tabous. Plus cette femme parle, plus elle se libère et, comme dans la légende, la pierre de patience finira par éclater et la rendre libre à jamais.</p>
<p>Atiq Rahimi écrit ce livre non pas comme un roman mais comme une tragédie : son style est lancinant, incisif, neutre mais quel amour il a pour cette femme qu’il nous fait partager avec un désespoir inouï.</p>
<blockquote><p>Je devais me marier malgré ton absence. Lors de la cérémonie, tu étais présent par ta photo et par ce foutu kandjar que l’on a mis à mon côté, à ta place. Et j’ai dû encore t’attendre trois ans! Et pendant trois ans, je n’ai pas eu le droit de voir mes copines, ma famille… Il est déconseillé à une jeune mariée vierge de fréquenter les autres filles mariées. Foutaise! Je devais dormir avec ta mère qui veillait sur moi, ou plutôt qui veillait sur ma chasteté et tout cela paraissait si normal, si naturel à tout le monde. Même à moi.</p>
</blockquote>
<p>La dernière page tournée, vous vous rendez compte que vous avez lu un texte militant qui a fait mouche: vous aurez pour toutes ces femmes une profonde empathie qui vous marquera durablement.</p>
<p><img src="https://www.leblogdeslivres.com/blog/public/images/couvertures/.Rahimi_m.jpg" alt="Rahimi.jpg" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" title="Rahimi.jpg, juil. 2010" />
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<br /> <em>Syngué Sabour, pierre de patience, Atiq Rahimi, P.O.L., 160 pages, 15 euros. Vous pouvez</em> <a href="https://www.amazon.fr/gp/product/2070416739/ref=as_li_ss_tl?ie=UTF8&camp=1642&creative=19458&creativeASIN=2070416739&linkCode=as2&tag=leblogdeslivr-21"><em>le commander</em></a><em> sur Amazon.</em><img src="https://www.assoc-amazon.fr/e/ir?t=leblogdeslivr-21&l=as2&o=8&a=2070416739" width="1" height="1" border="0" alt="" style="border:none !important; margin:0 !important;" /></p>
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</p>https://www.leblogdeslivres.com/post/2009/02/01/266-syngue-sabour-pierre-de-patience-atiq-rahimi-prix-goncourt-2008#comment-formhttps://www.leblogdeslivres.com/feed/atom/comments/245Mille soleils splendides - Kahled Hosseiniurn:md5:d25b417ad564f4f96e9d16c469a183922008-08-10T19:03:00+00:002018-10-18T10:13:21+00:00AmbreLe lointainmariagemoyen-orientsentimental<p>Encore une nouvelle plume sur le Blog des livres. Ambre nous rejoint. Elle a lu pour nous le dernier roman de Kahled Hosseini. Bienvenue, Ambre !</p> <p>Il y a des livres qu'on continue à lire alors que la rage nous prend. Il y a pages qui se tournent encore alors que coulent les larmes.</p>
<p>Petite fille, Mariam, vit avec Nana, sa maman loin de la ville, Kaboul et loin du regard des autres. Toutes deux ont été placées là afin de cacher au mieux cette faute, commise quelques années plus tôt, par son père et sa mère. Nana était alors servante et Jalil l'homme de la maison... Marié a trois femmes, il n'a pas eu le courage d'assumer cette union et cette nouvelle paternité.</p>
<p>Mais aux yeux de Mariam, Jalil est un père aimant qui la couvre de présents, d'histoires aux paysages merveilleux, il est le sourire sur sa mine d'enfant.</p>
<blockquote><p>Quelle idiote tu fais! Tu crois qu'il tient à toi et que tu seras la bienvenue chez lui ? Tu crois qu'il te considère comme sa fille ? Qu'il va t'accueillir dans sa maison ? Laisse-moi te dire une chose : le cœur d'un homme n'est jamais beau à voir, Mariam. Ce n'est pas comme le ventre d'une femme. Il ne saigne pas, il ne s'élargit pas pour te faire de la place. Je suis la seule à t'aimer. Tu n'as que moi au monde, Mariam, et quand je serai partie tu n'auras plus rien. Plus rien, tu m'entends ? D'ailleurs, toi-même tu n'es rien, ma fille ! »</p>
</blockquote>
<p>Quinze années passent et Mariam se retrouve à Kaboul, à des kilomètres de son enfance... Elle vit au côté d'un homme misogyne et violent, Rachid. Elle voudrait l'adoucir, lui donner un enfant, mais elle n'y parvient pas.</p>
<p>La guerre, les Russes, les temps changent...</p>
<p>Les gens fuient le conflit mais il en est qui restent jusqu'au dernier moment... C'est le cas de Laila, qui vit dans la même rue que Rachid et Mariam. Elle a 14 ans lorsqu'elle perd ses parents. Seule, elle porte le fruit de son amour, Tariq.</p>
<p>Rachid veut un garçon. Elle cherche un endroit où survivre... Il l'épouse et se glisse dans son lit. La jalousie emporte alors Mariam.</p>
<blockquote><p>Je ne t'aurai jamais nourrie, lavée et soignée si j'avais su que tu en profiterais pour me voler mon mari. »</p>
</blockquote>
<p>Mais entre ces deux femmes commence une histoire, débute une aventure, une course, une échappatoire à cette vie dans l'ombre, cette vie de soumission et de torture...</p>
<blockquote><p>« Nous partirons au printemps, Aziza et moi. Viens avec nous Mariam. » Les années ne s'étaient pas montrées tendres envers elle. Mais peut-être les suivantes seraient-elles plus clémentes...</p>
</blockquote>
<p>Après « Les cerfs-volants de Kaboul », Khaled Hosseini livre un nouveau roman poignant. Sa douce écriture réussit à nouveau à faire vivre des paysages magnifiques, à faire naître des odeurs et à rendre des couleurs. Mais il dépeint hélas aussi la triste réalité des femmes qui portent le voile et qui baissent les yeux...</p>
<p><img src="https://www.leblogdeslivres.com/dotclear/images/couvertures/Mille soleils.jpg" alt="Mille soleils splendides" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" />
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<br /> <em>Mille soleils splendides, Kahled Hosseini, Belfond, 400 pages, 21 euros. Vous pouvez</em> <a href="https://www.amazon.fr/gp/product/2264049065/ref=as_li_ss_tl?ie=UTF8&camp=1642&creative=19458&creativeASIN=2264049065&linkCode=as2&tag=leblogdeslivr-21"><em>le commander</em></a><em> sur Amazon.</em><img src="https://www.assoc-amazon.fr/e/ir?t=leblogdeslivr-21&l=as2&o=8&a=2264049065" width="1" height="1" border="0" alt="" style="border:none !important; margin:0 !important;" />
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</p>https://www.leblogdeslivres.com/post/2008/08/10/249-mille-soleils-splendides-kahled-hosseini#comment-formhttps://www.leblogdeslivres.com/feed/atom/comments/229Mûriers sauvages - Imane Humaydane Younesurn:md5:f6c4d0fd5d00b23ac34eb7521ec508ac2007-12-01T16:35:00+00:002018-10-22T13:51:04+00:00BernardL'amourfamillefemmesmoyen-orientsentimentalvillage<p>Il y a des romans si doux, sensuels et savoureux qu’il se lisent lentement, comme on sirote quelques gorgées d’un thé des plus raffinés.</p> <p>« Muriers sauvages », de l’auteure libanaise Imane Humaydane Younes raconte l’histoire de Sara, qui grandit au cœur du petit village d’Ayn Tahoun. Sara n’a pas de maman et constate sans comprendre que les femmes du village ne l’appellent pas par son prénom.</p>
<blockquote><p>La fille de la maudite, voilà comment elles m’appellent. Un nom plus présent dans mon esprit que Sara. "La maudite", que mon père n’a pas cessé d’aimer et dont il garde précieusement une photographie sous son lit. »</p>
</blockquote>
<p>La vie suit doucement son cours dans la partie du village où réside Sara, avec son père, autoritaire, sa tante, aigrie, son demi frère rebelle, et sa voisine, la douce Moutia. Les jours s’écoulent au rythme du travail des chenilles qui font vivre la petite fabrique de soie.</p>
<p>Sara grandit, et, avec elle, l’envie de savoir pourquoi sa mère a disparu. Quand elle en parle à Moutia, celle-ci lui fait toujours la même réponse :</p>
<blockquote><p>Ta mère est partie à la recherche de son âme. On ne peut pas vivre sans son âme, l’air devient irrespirable. Si elle était restée ici, elles aurait fini par étouffer. »</p>
</blockquote>
<p>Sara tente de calmer ses interrogations dans l’amour. Elle vit un rêve avec Karim, à l‘endroit même au naît la soie.</p>
<blockquote><p>Il se trouvait face à moi quand, soudain, il m’a enlacée. J’ai laissé tomber une pleine brassée de feuilles en poussant un cri de surprise. Le bruit des chenilles me faisait penser au crépitement d’une averse automnale sur la terre sèche. Je me laissais entraîner à reculons vers le mur, tout en lui glissant que je sentais mon corps chanceler. Mon corps dispos jusque dans la dernière de ses fibres. »</p>
</blockquote>
<p>Je ne veux vous dévoiler si cet amour apaisera la soif de savoir de Sara, ou, au contraire, s’il lui permettra de résoudre sa question.</p>
<p>Je ne voudrais en effet vous gâcher le plaisir de déguster ce petit roman, très finement écrit, qui allie deux qualités que l’on voit rarement mariées : une écriture sensuelle, à l’instar des moments qu’elle décrit, et une très grande pertinence psychologique. Les événements paraissent parfois anodins, avant de se révéler comme autant de balises sur le chemin de la connaissance que suit inlassablement Sara. C'est aussi l'histoire de femmes qui violent intelligemment la toute puissance des hommes quand ils font entrave à leur bonheur.</p>
<p>Il y a aussi des petits moments de bonheur tout simple, sans enjeux, gratuits. Comme ici.</p>
<blockquote><p>Rien… Rien n’égale la sensation que me procure la coulée d’une goutte de rosée le long de ma nuque. Une goutte brillante sur une feuille d’amandier qui perle, roule et se détache. Elle tombe puis glisse lentement, dessinant sur ma peau une douce ligne sinueuse qui réchauffe mon corps transi. Rouvrant les yeux je vois luire au dessus de moi un soleil pâle. »</p>
</blockquote>
<p>Après une lecture difficile, après un moment pénible, où par temps glacial, qu’il est bon de s’emmitoufler dans cette belle histoire !</p>
<p><img src="https://www.leblogdeslivres.com/dotclear/images/couvertures/Muriers.jpg" alt="Mûriers sauvages" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" />
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<br /> <em>Mûriers sauvages, Imane Humaydane Younes, traduit de l'arabe (Liban) par Valérie Creusot, Verticales, 149 pages, 17,50 euros.</em>
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</p>https://www.leblogdeslivres.com/post/2007/12/01/207-muriers-sauvages-imane-humaydane-younes#comment-formhttps://www.leblogdeslivres.com/feed/atom/comments/187Une bouteille dans la mer de Gaza - Valérie Zénattiurn:md5:53ddf2e35a4f8cef88c1951b36d89e4f2007-03-11T16:26:00+00:002018-10-23T15:38:58+00:00MartinRoulez jeunesse !guerremoyen-orient<p>Voici la deuxième critique de Martin, 14 ans, notre spécialiste des livres "jeunesse" !</p>
<p>C’est l’histoire de Tal, une jeune Israélienne de 17 ans qui vit à Jérusalem. Elle est très attachée à son pays. C’est exactement (ou presque) comme on pourrait se l’imaginer : des attentats et des civils qui s’habituent à l’horreur quotidienne...</p> <p>C’est même un peu trop comme on pourrait se l’imaginer : en fait, je n’ai pas trop aimé le début car je me voyais en train de regarder les infos à la télé.</p>
<p>Mais je me suis accroché, et je ne le regrette pas : la suite du roman m’a vraiment plu. Un détail en particulier m’a beaucoup touché : un des personnages, Palestinien, est invité dans un grand restaurant avec deux Européens. Le restaurant est très luxueux. Les Européens parlent de l’Europe et de la vie facile que nous avons. Ce passage fait beaucoup réfléchir : chaque jour de leur vie, toutes les personnes qui vivent dans ces pays-là prient pour ne pas mourir bêtement dans un attentat ou simplement pour ne pas recevoir un coup de téléphone annonçant la mort d’un proche. Quand rien de tout cela ne se produit, ils estiment avoir de la <strong>chance</strong>…</p>
<p>Et nous, chaque jour de notre vie, nous avons tout. Moi, j’estime avoir de la <strong>chance</strong> quand j’ai quelques profs absents à l’école… ! C’est pourtant le même mot, non ?</p>
<p>L’auteur prend aussi le temps de s’investir dans les sentiments profonds des personnages. Ces derniers « se confient » et c’est à ce moment qu’on se rend encore plus compte de notre vie luxueuse. Valérie Zenatti (auteur) fait très bien ça, peut-être parce qu’elle a passé son adolescence là-bas et qu’elle vit maintenant en France. Un exemple :</p>
<blockquote><p>Cher Naïm, je suis désolée. Désolée que tu te sois inquiété, désolée que tout cela se soit produit. Malheureuse, anesthésiée, vidée, c’est moi, aujourd’hui. Tu ne peux pas savoir comme ça fait du bien de pleurer de sangloter, quand les larmes sont restées bloquées en une barre dure dans le front, une barre qui m’empêchait de parler, qui m’empêchait de garder les yeux ouverts, m’empêchait de les fermer, me torturait. Un bus est entré dans mon champ de vision. Il n’en est pas ressorti. Il n’en ressortira jamais. Terrible ? C’était plus que terrible. Affreux ? C’était plus qu’affreux. Cauchemardesque ? Non, l’enfer. »</p>
</blockquote>
<p>Pour terminer, je soulignerai que ce livre a été écrit par un auteur qui n’avait pas l’intention de faire des tas de trilogies et tous les films qui vont avec. Le livre commence, et se termine. C’est de plus en plus rare dans les bouquins pour jeunesse. Je le regrette.</p>
<p>Un dernier extrait, parce qu’il n’y a pas que de la tristesse, et qu’il nous montre que ce ne sont pas des aliens qui vivent dans ces pays là, mais des humains comme ici. Il m’a fait beaucoup rire.</p>
<blockquote><p>C’est elle (Shira, pas Jennifer Aniston) qui m’a appris à dire des choses anodines sur un ton catastrophé. Ca parait bête comme ça, mais ça fait un bien fou. Il faut s’exercer assez souvent. Par exemple : tu as une mauvaise note en math. Au lieu d’être simplement embêté, triste, ou d’avoir peur de le dire à tes parents, il faut répéter avec des accents de désespoir dans la voix : « Oh non, ce n’est pas possible ! C’est absolument dramatique ! Je vais rater mon trimestre, mon année, mon bac ! Je n’irai jamais à l’université, je ferai la manche mais personne ne me donnera rien, on me dira que je suis jeune, que je peux travailler, j’ai deux bras, deux jambes, mais personne ne m’embauchera, et si je n’ai pas de travail, je n’aurai pas de famille, pas d’enfants, ma vie est foutue ! ». Après, tu te souviens que tu as dit tout ça parce que tu avais raté ton contrôle de math et ça te fait bien rire. »</p>
</blockquote>
<p><img src="https://www.leblogdeslivres.com/dotclear/images/couvertures/gaza.jpg" alt="Une bouteille dans la mer de Gaza" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" />
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<br /><em>Une bouteille dans la mer de Gaza, Valérie Zénatti, L'école des loisirs, 168 pages, 9,5 euros. Vous pouvez</em> <a href="https://www.amazon.fr/gp/product/2211072755/ref=as_li_ss_tl?ie=UTF8&camp=1642&creative=19458&creativeASIN=2211072755&linkCode=as2&tag=leblogdeslivr-21"><em>le commander</em></a><em> sur Amazon.</em><img src="https://www.assoc-amazon.fr/e/ir?t=leblogdeslivr-21&l=as2&o=8&a=2211072755" width="1" height="1" border="0" alt="" style="border:none !important; margin:0 !important;" />
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</p>https://www.leblogdeslivres.com/post/2007/03/11/70-une-bouteille-dans-la-mer-de-gaza-valerie-zanetti#comment-formhttps://www.leblogdeslivres.com/feed/atom/comments/60Lignes de faille - Nancy Hustonurn:md5:b9a9634b1539b1e53e92328a581e1f342007-01-22T09:38:00+00:002018-10-23T16:41:17+00:00BernardLa vieAmérique du Nordfamillemoyen-orient<p>Encore une idée géniale : écrire un roman raconté uniquement par quatre enfants de quatre générations différentes, et qui décrivent plus ou moins le même événement: l’enfance de Kristina, en 1944, et son destin à la fois tragique (je ne vous dit pas pourquoi) et extraordinaire (disons que ses malheurs ne l’ont pas empêché d’être heureuse).</p> <p>Mais s’ils parlent de la même chose, ces quatre enfants donnent en même temps plein de détails de leur vie, et nous apprennent comment vivaient les petits à quatre époques différentes.</p>
<p>C’est Sol qui ouvre le feu. Je sais, un enfant, c’est attendrissant, mais celui-là est insupportable. Il se croit plus intelligent que tout le monde, et il est bigot. D'accord, il n’est pas responsable de son arrogance. Il est surprotégé. La preuve :</p>
<blockquote><p>Les WC ont été sécurisés pour empêcher le couvercle de retomber sur mon pénis pendant que je fais pipi, ce qui doit faire très mal. Quand j’ai besoin de faire caca, il faut que j’appelle maman pour qu’elle vienne décrocher un crochet et baisser le couvercle avec beaucoup de précaution »</p>
</blockquote>
<p>Les autres petits conteurs sont plus sobres. Randall, qui est juif mais ne sait pas ce que cela veut dire, m'a touché. Son récit date de 1982, l'année où ses parents sont partis en Israël. Là-bas, il s'éprend de Nouzha, une enfant palestinienne, qui le rejette, suite à un mot de travers qu'il a prononcé. Il ne sait pas ce que juif veut dire, et pourtant il en souffre.</p>
<p>Ici, c'est Randall qui parle à Nouzha.</p>
<blockquote><p>- Ca me fait plaisir de trouver quelqu'un qui parle bien l'anglais, je lui dis. C'est dur l'hébreu, quand ce n'est pas ta langue maternelle.<br />
- Ce n'est pas la mienne non plus.<br />
- Ah bon !?<br />
- Eh ! non. Ma langue, c'est l'arabe.<br />
- Ah ! alors on est tous les deux des étrangers ! je dis, heureux de nous avoir enfin trouvé une ressemblance.<br />
- Pas du tout. Je parie que tu ne sais même pas dans quel pays tu te trouves. Le vrai nom de ce pays, c'est la Palestine.<br /> Moi je suis une Arabe de Palestine, c'est mon pays. Les étrangers, ici, ce sont les juifs.<br />
- Je croyais... que c'était...<br />
- Les juifs l'ont envahi. Tu es juif et tu ne connais même pas l'histiore de ton propre peuple.<br />
- Oh, je ne suis pas si juif que ça, je dis. Au fond je suis Américain, voilà.<br />
- De toute façon, l'Amérique est du côté des juifs.<br />
- Et bien moi, je ne suis du côté de personne, à part toi.»</p>
</blockquote>
<p>Chacun des petits narrateurs donne quelques indices du drame de Kristina, sans jamais le dévoiler. Cela fait un peu penser à un film de Tarantino, où les éléments de l’histoire sont disséminés et où il faut les reconstituer.</p>
<p>Mais le plus athlétique, dans la performance de Nancy Huston, c’est que l’histoire s’impose simplement, sans aucun effort du lecteur. L’auteur distille ses personnages et les événements avec énormément de doigté. Elle glisse discrètement des petits rappels pour éviter qu’on se perde. Si bien qu’en sortant du livre, vous avez tout compris, malgré le côté a priori désordonné du récit.</p>
<p>D'accord, le style n'est pas des plus choisis. Mais ce sont des enfants qui parlent, et on leur pardonne tout. sauf parfois quelques expressions d'adultes, mais bon.</p>
<p>Ajoutons pour conclure que l’histoire est d’une grande profondeur. Et que l’on sort grandi de ce livre : on sait désormais, si on l'ignorait, que notre personnalité dépend aussi d’éléments qui datent de plusieurs générations, et d’événements dont nous ne sommes absolument pas responsables.</p>
<p>A méditer !</p>
<p><img src="https://www.leblogdeslivres.com/dotclear/images/couvertures/Lignes.jpg" alt="Lignes de faille" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" />
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<br /> <em>Lignes de faille, Nancy Huston, littérature française, éditions Actes Sud, 481 pages, 21, 60 euros. Notre note : 4,5/5. Vous pouvez</em> <a href="https://www.amazon.fr/gp/product/2290036919/ref=as_li_ss_tl?ie=UTF8&camp=1642&creative=19458&creativeASIN=2290036919&linkCode=as2&tag=leblogdeslivr-21"><em>le commander</em></a><em> sur Amazon.</em><img src="https://www.assoc-amazon.fr/e/ir?t=leblogdeslivr-21&l=as2&o=8&a=2290036919" width="1" height="1" border="0" alt="" style="border:none !important; margin:0 !important;" />
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</p>https://www.leblogdeslivres.com/post/2007/01/22/36-lignes-de-faille-nancy-houston#comment-formhttps://www.leblogdeslivres.com/feed/atom/comments/31L'immeuble Yacoubian - Alaa al Aswanyurn:md5:a5b2815e2cf2ef13bd7ebb63edded0b12007-01-14T16:11:00+00:002018-10-23T16:41:52+00:00BernardLe lointainEgyptemoyen-orientsentimental<p>Vu de l’extérieur, l’Immeuble Yacoubian est un roman comme les autres : rectangulaire, avec des pages reliées, de couleur blanche sur lesquelles repose une écriture noire. Et pourtant, lorsque ces mots passent au crible de vos yeux, naît illico une inexplicable impression de couleurs.</p> <p>Normal, répondrez-vous, les verts, le jaune et le rouge de la couverture donnent le ton. Trop simple. Non, ce qui éblouit, ce sont ces mots, si simplement alignés, mais qui vous emmènent dans l'ocre du Caire. Et lorsque vous êtes au coeur de la ville, vous entendez les centaines de voitures, les petits coups de klaxon et les enfants qui courent et qui crient.</p>
<p>Pas convaincu ? Extrait.</p>
<blockquote><p>Cent mètres à peine séparent le passage Bahlar où habite Zaki Dessouki de son bureau de l’immeuble Yacoubian, mais il met, tous les matins, une heure à les franchir car il lui faut saluer ses amis de la rue : les marchands de chaussures et les commis des deux sexes, les garçons de café, les habitués du magasin de café brésilien. Zaki Bey connaît par leurs noms jusqu’aux concierges, crieurs de souliers, mendiants et agents de circulation. Il échange avec eux salutations et nouvelles. Pour les habitants de la rue, c’est un aimable personnage folklorique. »</p>
</blockquote>
<p>Dans l'immeuble Yacoubian, on rencontre Taha, qui rêvait d’entrer à l’école de police mais qui a le tort d’être pauvre. Dans son pays, cela ne pardonne pas. Hatem, lui, est homosexuel. Il aime un homme. Marié. Zaki l’aristocrate, lui, se glissera plus facilement dans les méandres parfois très étroits d’une société pleine de vie, d’envies, mais aussi d’interdits, de tabous.</p>
<p>Assez finement, l’auteur parle des problèmes que les Européens que nous sommes connaissons (l’homosexualité dans les pays musulmans, la condition de la femme ou le terrorisme), mais heureusement, il évite le cliché de journal télévisé en nous racontant aussi d’autres vies, presque anodines, comme celle de Boussaïna, la petite vendeuse du magasin de vêtements.</p>
<p>Cet enchevêtrement de petites vies, sans fil conducteur tendu, donne parfois un peu de confusion au récit.</p>
<p>Mais n’est-ce pas là une jolie métaphore du Caire ?</p>
<p>Flash info : l'auteur de l'immeuble Yacoubian revient avec un <a href="http://www.leblogdeslivres.com/?2007/02/05/51-l-immeuble-yacoubian-n-etait-qu-un-amuse-bouche">nouveau roman</a></p>
<p><img src="https://www.leblogdeslivres.com/dotclear/images/couvertures/Yacoubian.jpg" alt="L'immeuble Yacoubian" style="float:left; margin: 0 1em 1em 0;" />
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<br /> <em><strong>L'immeuble Yacoubian</strong>, Alaa El Aswany, littérature française, Actes Sud, 327 pages, 22,5 euros. Notre note : 4/5.</em>
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