Tel « Portrait de l’écrivain en animal domestique », de Lydie Salvayre. C’est l’histoire d’une écrivain française talentueuse qui décide d’écrire la biographie de Tobold, roi du hamburger, une sorte de Bill Gates de la restauration et de l’argent rapides.

L’écrivain s’installe donc dans le quotidien de Tobold, et fait la connaissance de Cindy, l’épouse du magnat et de Dow Jones, son chien. L’écrivain comprend alors à qui elle a affaire.

Qu’il me tutoye, passe encore, me disais-je mais qu’il se gratte ou se laisse aller à remonter, devant moi, avec un parfait naturel, ses génitoires, cela me désoblige de la plus violente manière. »

S’il n’y avait que cela ! Il y a aussi les idées de Tobold, qu’elle subit comme autant d’humiliations.

Sur les chômeurs.

L’allocation de chômage détruit à plus ou moins long terme ceux qu’elle est censée soutenir. Je suis contre ! contre ! et contre ! écrivez-le. Les chômeurs sont la lie de la société, dont ils attendent tout, qu’elle les torche et les lange, c’est répugnant. »

Ou sur l’économie de marché.

Le nombre des adeptes qui disent O.K. à la libre économie est gigantesque et il grossit de jour en jour. Tous veulent, vois-tu, leur part de gâterie. La puissance de la Libre Economie est telle, écris-le, qu’elle convainc même ceux qu’elle menace le plus. »

L’écrivain se révolte intérieurement, puis s’endort, découvrant avec stupeur les vertus anesthésiantes du luxe. Jusqu’à ce miraculeux et burlesque sursaut de Tobold, que je vous laisse le soin de savourer.

C’est avec ces situations délirantes, et des mots cinglés comme « encoucougner » ou « entéléchie » , c’est avec des rencontres impossibles, comme celles avec Robert de Niro ou Sophie Marceau, c’est avec des personnages excessifs mais diablement humains, que Lydie Salvayre a mixé son roman fou. Une bouffée, que dis-je ! un ouragan d’air frais et fin.

Mais attention : derrière un divertissement qui pourrait paraître anodin ne se cache pas seulement une satire de la société de consommation et ses exploitants. En inventant Tobold, un personnage sensible et plein d’humour derrière sa brutalité et sa vulgarité d’apparat, Lydie Salvayre humanise aussi ces patrons jugés cyniques. Par moment, ils se montrent même convaincants.

Alors prudence : gardez votre libre arbitre et ne vous laissez par encoucougner par Lydie Salvayre !


Portrait de l'écrivain...



Portrait de l'écrivan en animal domestique, Seuil, 235 pages, 18 euros.