Harry Ricks a ce qu’il convient d’appeler une sacrée quinte ! Prof dans une université américaine, Harry se retrouve au cœur d’un scandale pour avoir batifolé avec une de ses étudiantes. Sa vie, jusque là tranquille, tombe en lambeaux. Notre homme n’a pas d’autre choix que de s’exiler à Paris.

Sans énormément d’argent, il atterrit dans une chambre pourrie du 10ème arrondissement. Au fond du fond, histoire de gagner quelques euros, pour tout simplement survivre, Harry travaille comme veilleur de nuit dans un endroit sinistre et glauque. Alors qu’il nage en plein désespoir, Harry fait la connaissance de Margit, une hongroise torride qui ne va pas tarder à lui faire tourner la tête.

L’Américain Douglas Kennedy, auteur à succès de « La poursuite du bonheur » ou de « L’homme qui voulait vivre sa vie », livre avec ce nouveau roman une espèce de polar, parce qu’Harry va se retrouver au cœur d’événements tout simplement incontrôlables et même soupçonné de meurtres. Sous ce format polar, Kennedy en profite pour revisiter ses thèmes de prédilection avec une douce mélancolie, caractéristique de son œuvre. Souvent en guerre contre le conformisme puritain de son pays (l’auteur vit en Europe depuis 30 ans), Douglas Kennedy décrit la chute d’un homme en proie à ses propres démons et à ses blessures secrètes.

Comme ici :

Me laissant à peine le temps de remonter mon jean et de cracher un jet de salive ensanglantée dans l’évier, elle m’a conduit sur le trottoir… J’ai regagné mes pénates tant bien que mal, je me suis gargarisé à l’eau salée pendant deux minutes ou plus. Je me suis dépouillé de mes vêtements, j’ai avalé un cachet de Zoplicone et trois d’analgésiques. Ce cocktail chimique m’a terrassé, et lorsque je me suis réveillé à deux heures de l’après-midi, ç’a été pour découvrir que je ne savais plus parler. »

C’est, comme toujours, agréablement écrit et passionnant. Et pour la première fois dans sa bibliographie, l’Américain ajoute une dimension métaphysique et surnaturelle à son roman. L’influence, revendiquée, des nouvelles d’Edgar Allan Poe, sans doute.

C’est aussi l’occasion de découvrir un Paris crépusculaire et crasseux. Mais l’important est sans doute ailleurs. Comme toujours chez Kennedy, les hommes sont faibles. C’est cette faiblesse d’un Harry déchu en phase de rédemption avec sa belle hongroise qui donne tout son sel à ce roman noir dont le dernier tiers est absolument palpitant et… envoûtant.

La femme du Vème



La femme du Vème, de Douglas Kennedy, Belfond, 384 pages, 22 euros.