En voilà une déclaration d’amour atomique. Certes, elle est un peu tardive. L’auteur, André Gorz, écrit à sa dulcinée atteinte d’une maladie grave. Il se reproche à travers l’ouvrage de ne lui avoir pas bien dit son amour, voire de le lui avoir occulté. Ce petit livre est donc une lettre d’amour, rédigée avec la fine plume que vous avez pu entrevoir.

On voudrait que chaque page soit aussi belle que cette première phrase. C’est presque le cas. Mais après un démarrage décoiffant, il se perd un peu dans les méandres de sa propre carrière et en oublie de parler à sa belle. Ce qui prouve, peut-être, qu’il ne parvient pas encore à lui dire parfaitement son amour. Je me demande ce qu'elle en pense...

Allez, pour vous récompenser, encore une phrase qui se déguste comme un Dom Pérignon :

Nous n’étions pas pressés. J’ai dénudé ton corps avec précaution. J’ai découvert, coincidence miraculeuse du réel avec l’imaginaire, l’Aphrodite de Milos devenue chair. L’éclat nacré de ta gorge illuminait ton visage. J’ai longtemps contemplé, muet, ce miracle de vigueur et de douceur. J’ai compris avec toi que le plaisir n’est pas quelque chose qu’on prend ou qu’on donne. Il est manière de se donner et d’appeler le don de soi de l’autre. Nous nous sommes donnés l’un à l’autre entièrment. »

C’est-y pas joli ça ?

Lettre à D.




Lettre à D., André Gorz, littérature française, Galilée, 75 pages, 13,40 euros. Notre note : 4/5.